lundi 21 juin 2010

Le Colombian way of life

Avec 36 000 homicides par an selon certaines estimations, plusieurs guérillas et des prises d’otages s’étirant sur des années, la Colombie terrifie et intrigue. Pour les Colombiens, c’est tout naturel, c’est le colombian way of life.

« En Colombie, le crime est banalisé. Par exemple, lorsqu’il y a des problèmes de voisinage, il est plus facile et moins cher de faire tuer son voisin plutôt que de lui faire un procès. » En quelques mots, Paulo A. Paranagua, journaliste au Monde, résume l’univers colombien. De Medellin à Cartagena, des sommets des Andes aux eaux tiraillées du port de Buenaventura, les Colombiens semblent vivre normalement. Julien qui a travaillé six mois à l’ambassade française à Bogotá commente : « Cette guerre civile dure depuis 45 ans alors les Colombiens vivent avec, comme si tout était normal. Quand on les interroge, ils disent que tout va bien mais dès qu’il est question de sortir, ils deviennent tout de suite très prudents. Ils n’ont même pas besoin d’y penser, c’est ancré dans leur tête. Il faut faire attention. »

La vie des Colombiens est faite d’automatismes d’autoprotection. « Quand les gens sortent de chez eux, ils font toujours attention d’avoir quelques pièces de monnaie dans la poche afin de pouvoir donner facilement aux mendiants et éviter les confrontations » décrit une étudiante franco-colombienne. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alvaro Uribe en 2002, les guérillas n’ont plus vraiment de pouvoir dans les villes mais le taux de criminalité dû principalement à la pauvreté est extrêmement élevé. Julien raconte : « Un jour, un employé de l’ambassade a été attaqué à 50 mètre de l’entrée de l’administration. Il a été agressé avec de la scopolamine, une drogue qui provoque l’amnésie et des hallucinations. C’est un peu un serum de vérité puissance mille. L’employé s’est réveillé le lendemain, nu, dans un fossé. Sous le coup de la scopolamine, il avait donné le numéro de sa carte bleue et tout son argent. »

Un soupçon permanent

Dans les provinces, la tranquillité est d’autant moins facile que les guérillas sont très présentes, dans les esprits comme dans le quotidien. « On est toujours en train de se demander si son voisin de bus n’est pas membre d’un groupe armé » s’amuse Julien. Paul A. Paranagua explique la peur latente qui tient en respect les Colombiens : « La population souffre de l’action de la guérilla. Il y a un rapport de force, d’oppression qui alimente un soupçon permanent. De plus, les guérillas approchent régulièrement les jeunes pour la guerre ou la drogue. 1 guérillero sur 5 qui quittent les forces armées a tout juste 18 ans. Et ils travaillent pour la guérilla depuis au moins 4 ou 5 ans. »

Malgré une nonchalance affirmée, les Colombiens vivent au rythme des guérillas. Entre les attentats aux bonbonnes de gaz, les mines interpersonnelles, les déplacements forcés – « pour ne pas rester entre deux feux » - et les menaces de mort, les citoyens ne voient pas forcément la politique sécuritaire d’Uribe porter ses fruits. Mais ils « gardent le moral ».

Rançons, kidnapping, assassinats font partie de l’histoire collective. Il y a, dans chaque famille colombienne, une histoire à raconter ; une disparition qui vient s’ajouter à la douleur des autres qui paient, attendent, enterrent et continuent de vivre. Julien conclue avec la ferveur des Français amoureux de la Colombie : « Alors ils profitent de la vie à 100%. En Colombie, on ne sait jamais ce qui peut se passer le lendemain. »

Sur The Way Latina

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