jeudi 3 décembre 2009

Jusqu'en enfer (DVD)

Chronique réalisée dans le cadre de l'exercice de fin d'année de l'IPJ : réalisation d'un GQ fictif mais complet. Voir l'article en PDF.

Retour aux racines démoniaques pour Sam Raimi. Vingt ans après le deuxième Evil Dead, c’est par le processus de putréfaction d’une vie humaine qu’il entend nous prouver la perversité du capitalisme. Pour obtenir une promotion, Christine, employée de banque, refuse un crédit à une vieille gitane qui lui jette un sort. La fille de la campagne se voit alors poursuivie par les pires horreurs – et par sa culpabilité – avant de tourner garce. Jouissif. C’est un pur plaisir de voir que les budgets hollywoodiens brassés pour la série Spiderman n’ont pas annihilé la volonté de Sam Raimi de nous hurler de peur et de rire.

Jusqu'en enfer de Sam Raimi

Le Match : Daft Punk Vs Phoenix

Papier réalisé dans le cadre de l'exercice de fin d'année de l'IPJ : réalisation d'un GQ fictif mais complet. Voir l'article en PDF.


Le cinéma américain recrute nos « frenchie » de la musique. Daft Punk et Phoenix s’attaquent chacun à une bande son d’un film événement de 2010. Originaires de Versailles, les six musiciens se sont connus sur les bancs des mêmes lycées parisiens. Les deux groupes, de renommée internationale, n’échappent pas à la comparaison. Qui franchira le mur du son ? Le match est électrique. Par Gaël Trévien et Marine Bedaux

Ventes d’albums
Daft Punk : Créé en 1993 par Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, Daft Punk fait exploser les ventes. Le duo a vendu plus de six millions d’albums depuis la sortie de son 1er opus Homework en 1997. Loué et reconnu mondialement, Daft Punk rafle en 2009 le Grammy Award du meilleur album électronique pour Alive 2007 et celui du meilleur single pour « Harder Better Faster Stronger ».
Phoenix : Depuis 1997, Thomas Mars, Christian Mazzalai, Deck d’Arcy et Laurent Brancowitz, ex-Daft Punk, forment les Phoenix. Leur premier album, United, sorti en 2000, ainsi que les deux suivants ne déchaînent pas les foules. L’arrivée de Wolfgang Amadeus Phoenix est précédé d’un buzz énorme aux Etats-Unis avant d’atteindre la France. On compte déjà 340 000 exemplaires vendus…

Style
Daft Punk : Adeptes de l’anonymat, les deux membres du groupe ne sortent jamais en représentation sans leur casque de moto cyber-stylé vissé sur la tête. Assortissez-y une veste en cuir serrée au corps façon motard ou des costards de couleurs flashy un rien ringard et vous obtiendrez le style Daft Punk. Un style un peu à l’ouest et robotique qui rappelle leurs sons électro…
Phoenix : Alors que le monde de la mode revisite actuellement la chemise à carreaux, Thomas Mars et ses compères n’ont, eux, jamais quitté cet emblème un peu versaillais. Cela leur permet de conserver dans l’univers du rock des airs de gentils garçons. Veste de costard sur jeans, chemise sous pull en col V, Phoenix a le look discret mais dans le vent.

Cinéma
Daft Punk : Actuellement, les Daft Punk planchent sur l’écriture et la réalisation de la bande originale son de Tron Legacy, un film de science fiction américain de Joseph Kosinski, annoncé comme l’un des évènements de l’année 2010. Il se murmure que le duo français, casque en tête, apparaîtrait carrément à l’écran…
Phoenix : Le groupe travaille actuellement sur la BO de Somewhere, le prochain film de Sofia Coppola. Rien de très surprenant quant on sait que Thomas Mars, le leader du groupe, n’est autre que le compagnon de la réalisatrice. Elle avait d’ailleurs déjà utilisé leurs morceaux pour ses films Lost in Translation et Marie-Antoinette.

Le Verdict
« One more time », avantage Daft Punk, figure de la musique électro en France, plus connu du grand public. Mais la cote de Phoenix, invité récemment sur des émissions très populaires aux États-Unis, grimpe et pourrait bien devenir « Harder, Better, Faster, Stronger »...

Phoenix, Wolfgang Amadeus Phoenix. Disponible. En tournée.

Daft Punk, plusieurs titres dans le jeu vidéo DJ Hero. Disponible. Rumeur d’un nouvel album en 2010.

L’Interview de BeigBEDAUX : Yannick Jadot

Interview réalisée dans le cadre de l'exercice de fin d'année de l'IPJ : réalisation d'un GQ fictif mais complet. Voir l'article en PDF.


Yannick Jadot : « On ne peut pas attendre d’avoir tous les pouvoirs pour changer les choses. »

Toujours en transit entre Strasbourg, Bruxelles et Paris, Yannick Jadot est un homme difficile à attraper. Après deux semaines de rendez-vous manqués et d’échanges de mails avec son attachée parlementaire, c’est un vendredi après-midi – dernier carat – qu’on arrive enfin à se joindre au téléphone. Il n’a pas beaucoup de temps à m’accorder, mon téléphone grésille à côté de mon magnétophone mais l’entretien prend enfin forme. Comme souvent, on n’a « que dix minutes » mais on discute bien plus longtemps que prévu. Il faut dire que ce tout nouveau député européen a de quoi dire. Il a cette passion politique et ce discours pas encore polissé qui définissent les « petits nouveaux ». Son combat, il y croit, et ce n’est pas parce qu’il siège maintenant au Parlement européen qu’il va s’assoir sur ses convictions. Entretien avec un ex-Greenpeace new-député siglé Europe Ecologie, déterminé à faire du Sommet sur le climat de Copenhague (du 7 au 18 décembre) un évènement historique. Parce que le monde le vaut bien.

GQ : Nous avons choisi de vous interviewer car nous aimons bien votre profil, le côté « quadra », agent de la vie civile débarquant en politique… On a pas mal entendu parler de vous lors du Grenelle de l’environnement car vous étiez, alors, l’un des principaux négociateurs. Entre nous, est-ce que les résultats peu féconds de cette réunion vous ont poussé à vous lancer dans la politique ?
YJ : C’est exactement ça. J’ai été pris d’une évidence, les associations font bien leur travail, se battent, portent des propositions et des solutions… Et face à elles, c’est vraiment le côté politique qui pêche.

QG : Comment passe-t-on de l’autre côté de la barrière ? Ca ne doit pas être facile de changer de point vue quand on a toujours été du côté des militants…
YJ : Oui, ça n’a pas été facile. Mais il faut savoir s’adapter et l’aventure Europe Ecologie m’allait bien. En organisant ce nouveau rassemblement et en obtenant plus de 16% aux élections européennes, je crois qu’on a un peu fait pour la reconstruction de l’offre politique en France. C’est une manière très enthousiasmante d’entrer en politique !

GQ : Comment avez-vous analysé ce bond en avant de conscience verte des Français aux élections européennes ? Est-ce une réaction à la politique libérale de Sarkozy ?
YJ : Je ne sais pas si la politique de Nicolas Sarkozy en elle-même a quelque chose à voir avec ce résultat électoral mais je pense que les Français en ont ras-le-bol des discours. Ils attendent des réponses. A Europe Ecologie, nous avons articulé une réponse à la fois écologique, sociale, éthique et démocratique. Je pense que c’est cela qui a marché, en plus du casting. Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly, José Bové ne sont pas des gens qui apparaissent dans le champs politique comme des vieux routards.

GQ : Ce sont quand même des figures hyper-connues… Si ce « casting » a fonctionné, est-ce grâce à cette image de rebelles repentis ?
YJ : Pourquoi repentis ?

GQ : Quand on obtient un mandat, on se range un peu, non ?
YJ : Non, je ne crois pas. On garde la même envie de changer les choses, simplement on sait qu’il faut mettre…

GQ : Les formes… ?
YJ : Les mains dans la machine ! C’est tout de même la meilleure manière pour changer les choses. Nous sommes tous radicalement réformistes dans le sens où on sait qu’il ne suffit pas de faire des grands discours et d’attendre. Les niveaux de crises sont tels qu’il faut, tous les jours, s’efforcer de changer les choses. Bon, c’est sûr que quand on est dans un Parlement, nous n’avons pas les mêmes discussions qu’à Greenpeace ou ailleurs. Mais non, je ne crois pas qu’on se soit assagi.

GQ : OK, vous n’avez pas changé. Mais pour en finir avec le casting : comme moi, vous pensez que c’est cela qui a plu aux Français. Ce côté casse-cou, brut, ces personnalités qui n’ont pas lâchés le lien avec le réel.
YJ : Oui, tout à fait. Mais avoir un beau casting, ça ne suffit pas, l’idée c’était d’avoir des personnes avec un parcours, des expériences, un réel engagement. Pas seulement des personnes pour occuper des postes mais des gens avec des idées pour lesquelles elles se sont battues et qui continueront à se battre avec conviction et sincérité.

GQ : Depuis juin, donc, vous êtes député européen. Comment se passe cette nouvelle vie ? Comment passe-t-on de la possibilité de la radicalité de l’action pendant vos années Greenpeace à être assis au Parlement ? Et n’avoir plus que la parole pour convaincre…
YJ : C’est vrai, c’est autre chose. Maintenant, c’est un travail législatif où il est question de propositions d’amendements, de textes… C’est une approche plus complexe par rapport à la réalité. On découvre les pressions, le lobbying, les jeux d’influences… la réalité du jeu politique. Mais tous, nous continuons nos combats. Toujours. Pour ma part, c’est Copenhague. Pour José Bové, c’est l’agriculture. Eva Joly, les paradis fiscaux. Nous y travaillons toujours avec acharnement mais différemment avec la certitude que c’est par ce biais que nous arriverons à traduire nos combats dans la réalité quotidienne des citoyens.

GQ : En me renseignant sur vous, je suis tombée sur vos notes de blog sur le site d’Europe Ecologie et j’ai eu l’impression que vous touchiez à l’absurdité du mandat politique… Un univers où le sommet de Copenhague oublie presque les problématiques climatiques pour ne devenir qu’une histoire d’argent…
YJ : L’argent, c’est le nerf de la guerre. Aujourd’hui, il va falloir que le Nord assume ses responsabilités dans le changement climatique et aide les pays du Sud qui ont plus ou moins de moyens pour faire face à ces changements alors qu’ils n’y ont pas contribué ou très peu. Il est question d’aider les pays en développement à s’adapter en les orientant, par exemple, vers des solutions durables non polluantes. C’est un enjeu de justice internationale. C’est vrai qu’à un moment cela se traduit en termes financiers.

GQ : En chiffres, de combien parle-t-on ?
YJ : Ce qu’on demande à la France c’est de distribuer 2 milliards d’euros au Sud avant 2020. À titre de comparaison, l’année dernière, la France a dépensé 11 milliards d’euros dans son industrie automobile. Je ne dis pas qu’il faut enlever 2 milliards à l’automobile mais cette somme me semble peu élevée par rapport à l’enjeu.

GQ : C’est peu par rapport à ce qu’il faudra payer lorsque les catastrophes arriveront...
YJ : Exactement.

GQ : Pour l’instant, j’ai surtout lu que chaque pays montait des combines pour prendre de l’argent ailleurs afin de le redistribuer au Sud. Vous qui êtes dans le secret des préparations du sommet de Copenhague, dites-nous en exclusivité, est-ce que l’on va arriver à un accord ?
YJ : Ca va être extrêmement difficile. Mais, vous savez, ça a toujours été difficile. Cela fait trente ans que le Nord promet des choses au Sud sans jamais tenir ses engagements… Ce n’est pas nouveau mais là, en plus, la crise leur donne un joli nouveau prétexte pour ne rien faire. Ils ont sorti des millions pour sauver les banques et maintenant ils nous disent qu’il n’y a pas d’argent. C’est difficile à entendre.

GQ : Très concrètement, pour ceux qui n’y connaissent pas grand-chose, quand est-ce que seront prises les décisions ?
YJ : Cela fait quasiment un an et demi qu’on négocie Copenhague, mais les choses ont malheureusement très peu avancés parce que chacun joue à « si tel pays ne s’engage pas, je ne m’engage pas ». Tout cela est très compliqué, les américains ne sont toujours pas prêts à négocier… mais une négociation c’est aussi une aventure humaine. Souvent, lors des derniers jours, il y a une prise de conscience. On peut imaginer que les chefs d’Etats prendront leurs responsabilités et qu’ils décideront d’un accord. Ca ne sera peut être pas le meilleur accord mais il décidera de choses à peu près sérieuses. Aujourd’hui, je ne suis pas très optimiste.

GQ : Et si – scénario catastrophe – aucun accord important ne sortait de ce sommet ?
YJ : C’est possible que cela se finisse mal. Mais les évidences de la transformation de la planète sont tellement présentes que je ne vois pas comment on pourrait se passer d’un accord ! On va pousser les chefs d’Etat à faire un maximum car ce n’est même plus une simple question d’écologie. Tous les scientifiques prévoient des catastrophes.

GQ : Vous n’avez donc pas perdu espoir ?
YJ : C’est une obligation. Nous n’avons pas le choix ! Non seulement, cela va créer des problèmes pour des millions de personnes, que ce soit en terme de sécurité alimentaire ou de santé, mais tous les pays vont devoir gérer des exodes de populations car certains lieux deviendront inhabitables. Quelques scientifiques prévoient une élévation du niveau de la mer significative où même la France serait touchée. Ce sont des centaines de milliers de personnes dont il va falloir s’occuper. On est face à quelque chose d’énorme, une urgence climatique, et effectivement, nos chefs d’Etats n’ont pas l’envergure pour nous faire changer de trajectoire. En matière énergétique, en matière d’électricité… on entend beaucoup de discours où ils prétendent être convaincus mais au fond, ils n’ont pas totalement mesuré l’étendue du problème et préfèrent s’occuper d’autre chose.

GQ : Vous êtes donc venu en politique pour faire évoluer les choses… Pourquoi avoir choisi un mandat européen ?
YJ : Aujourd’hui, toutes les questions environnementales passent par l’Union européenne, l’Europe est souvent plus éloignée des lobbys que les gouvernements donc elle agit un peu plus au service de l’intérêt général. Pour lutter contre les changements climatiques, l’Europe permet de changer les choses à l’intérieur du continent (s’occuper des régions, des transports, des vraies réformes sur le bâtiment) mais c’est aussi un espace politique qui permet de s’exprimer à une échelle internationale. En siégeant au Parlement européen, on peut peser dans les discussions internationales.

GQ : Vous êtes 14 députés Europe Écologie. Même si vous vous alliez avec d’autres députés connus pour leur sensibilité à l’écologie, vous ne faites pas encore le poids pour peser dans la balance. Comment marche le jeu des alliances ?
YJ : On s’allie avec des centristes, des députés de la gauche de la gauche, des socialistes et même parfois avec des conservateurs. On ne peut pas attendre d’avoir tous les pouvoirs pour changer les choses, sinon on n’y arrivera jamais. Il faut trouver des alliés, des compromis et convaincre du bien fondé de nos idées. Si vous regardez la résolution adoptée par le Parlement sur le sommet de Copenhague, elle est à peu près en ligne avec ce que l’on défend : au moins 30% de réduction des émissions de CO2 d’ici 2020, au moins 30 milliards d’aides distribués aux pays du Sud. C’est très loin, dans le bon sens du terme, de ce que proposent les Etats. Donc là, tous groupes confondus, on arrive à obtenir du Parlement une proposition très progressiste.

QG : C’est assez rassurant de se dire qu’au Parlement européen, on arrive à faire bouger la machine. Le plus embêtant c’est de réaliser qu’ensuite, ce sont les Etats qui bloquent. Dans le cas du sommet de Copenhague, c’est flagrant.
YJ : Vous savez, en Europe, les égoïsmes nationaux font sans cesse obstacle, c’est vraiment la pire des choses.

GQ : En parlant de politique nationale, les régionales approchent. Comment se prépare Europe Ecologie ? L’alliance avec les Verts fonctionne-t-elle toujours bien?
YJ : Europe Écologie se poursuit et s’élargit avec de nouvelles arrivées et de nouvelles composantes politiques. Comme aux européennes, il y a des candidats Verts et des non-Verts, bien que nous aurons certainement plus de mal à obtenir ce que nous avions appelé la « parité » lors des européennes. En région, le poids des élus sortant est important.

GQ : Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, est candidate en Ile-de-France. J’imaginais un choix plus culoté, un pur Europe Ecologie…
YJ : Je ne suis pas vert et pourtant j’ai fait partie de ceux qui ont poussé Cécile Duflot à se présenter. Premièrement, parce que le succès des Européennes, c’est aussi le succès des Verts. Deuxièmement, parce qu’une femme de 34 ans, qui est convaincue, sincère et qui a apporté quelque chose au rassemblement écologique européen, c’est un choix osé.

GQ : Bon, c’est vrai, je me souviens, elle a encouragé l’émergence d’Europe Écologie face à d’autres Verts récalcitrants…
YJ : Tout à fait. C’est pour cela que je crois que sa candidature est une bonne candidature. Cécile Duflot va bien avec le changement de ton autour de l’écologie. Jusque-là, ce qu’on entendait sur les écolos c’était quand même « c’est important qu’ils soient là, ce qu’ils défendent est essentiel mais globalement, on ne va pas leur filer les clés de la maison parce que cela va tout de suite être le bordel ».

GQ : Oui, c’est à peu près l’image que j’avais en tête…
YJ : Oui, mais c’est fini ça. Avec Europe Écologie, l’écologie a changé.

GQ : Et si on pousse le fantasme plus loin, peut-on imaginer une fusion totale entre Europe Ecologie et Verts ?
YJ : Ca, on verra après les régionales. Il faut d’abord qu’on gagne ces élections. Si on ne fait pas un bon score, on entendra dire qu’on ne fait pas mieux que les Verts, qu’on a gagné aux européennes parce que c’étaient les européennes et qu’il y avait Cohn-Bendit en figure de proue. Il faut qu’on confirme ce résultat. Et si on le confirme, on se posera les questions sur l’avenir et la forme que prendra Europe Ecologie. Mais on verra ça après !

GQ : Dites-moi… N’avez-vous pas l’impression de travailler pour le diable ? En France, on a tendance à diaboliser « Bruxelles ». C’est le grand méchant loup…
YJ : Cela fait partie des logiques très égoïstes dont on parlait tout à l’heure… Quand il y a quelque chose de bien, ce sont les gouvernements, quand quelque chose va mal, ça vient forcément de Bruxelles. C’est l’hypocrisie absolue de nos dirigeants sur l’Europe. Pour faire évoluer les choses, il faut agir à tous niveaux. En France, au local et au niveau européen car, oui, le cadre européen peut obliger la France à faire des choses.

GQ : Je crois que c’est à cause de ce dernier point qu’on est carrément anti-Bruxelles en France...

Biographie :
Né en 1967, Yannick Jadot commence par une formation d’économiste avant de se consacrer pendant douze ans à la solidarité internationale à travers l’ONG Solidarité Agricole et Alimentaire (Solagral). En 2002, il devient directeur des campagnes de Greenpeace France. Lors de la présidentielle de 2007, il cofonde l’Alliance pour la planète et en devient le porte-parole avant de devenir l’un des initiateurs et négociateurs principaux du Grenelle de l’environnement. Cet acteur écologiste se tourne alors vers la politique en assistant la création du mouvement Europe écologie. À l’occasion des élections européennes 2009, il devient tête de liste dans l’Ouest et est élu. Désormais, député européen, il fait partie du groupe des Verts/Alliance libre européenne qui compte 55 membres, 4e groupe politique du Parlement. Il est aussi vice-président de la commission au commerce international et industrie, recherche, énergie.

Eric Elmosnino, un homme à fables

Interview réalisée dans le cadre de l'exercice de fin d'année de l'IPJ : réalisation d'un GQ fictif mais complet. Voir l'article en PDF.

L’acteur arpentait surtout les planches, Joann Sfar l’a choisi pour incarner Serge Gainsbourg dans son premier film. Une affaire de ressemblance, peut-être ; une affaire de présence, plus sûrement. "Gainsbourg, vie héroïque" sort le 20 janvier. Début d’une nouvelle vie pour Eric Elmosnino. Vie fantastique ?

Texte et photos par Marine Bedaux et Sibylle Laurent

Il est assis derrière son café décaféiné crème. Eric Elmosnino a les yeux amusés, la voix grave et nonchalante pendue à la cigarette. Il a un air de Gainsbourg, mais pas tant que ça. C’est peut-être la barbe de trois jours, les cheveux qui s’envolent ou ce regard vaguement ailleurs. Il a le sourire facile, ne la joue pas intello. Bref, il a un air surtout à lui. Théâtreux connu et reconnu, formé au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Eric Elmosnino a écumé les scènes locales et nationales pendant plus de 20 ans. Il a joué les plus grands – Shakespare, Molière, Musset – comme les auteurs moins familiers du grand public : Edward Bond, Bernard Bloch, Serge Valletti. Le cinéma, il y a aussi mis les pieds ; mais en passant, dans les seconds rôles. Propulsé aujourd’hui en tête d’affiche pour incarner l’icône écorchée de la chanson française, il dit découvrir ce monde qu’il ne connaît finalement pas. C’est l’histoire d’un homme qui part, impatient, à la découverte d’un « nouveau monde » ; qui va encore dans tous les sens, qui n’est pas avare de ses mots, mais les veut définitivement légers, « sinon ça conduit à des préceptes ridicules». C’est l’histoire d’un homme qui va bientôt être célèbre. Bientôt, on ne dira plus, Eric qui ? Mais Eric Elmosnino, l’homme à la tête de Gainsbourg.

GQ : Eric Elmosnino, vous avez arpenté les planches pendant plus de 20 ans. Est-ce ce côté « théâtral » qui a intéressé Joann Sfar ?
EE : Le côté théâtral, je ne sais pas. Au début, Joann Sfar voulait faire jouer le rôle de Gainsbourg à Charlotte. Mais pour je ne sais quelles raisons, cela n’a pas marché. Ce premier échec l’avait déprimé et il lui fallait repartir sur d’autres idées. Cela ne l’enchantait pas. On a pris rendez-vous au café de la Paix. Il m’a dit qu’il voulait faire un film sur Gainsbourg. Il m’a demandé si j’étais un peu fan, je lui ai dit non ; si j’étais musicien, je lui ai dit non ; si je savais chanter, j’ai dit non. Il a dit okay, super et il m’a passé un scénario en me demandant si je voulais bien passer des essais. Je l’ai lu pour voir si cela faisait envie et j’ai tout de suite dit oui.

GQ : Vous dîtes que vous n’étiez pas « fan plus que ça » de Gainsbourg. Qu’est-ce qui vous a convaincu dans le scénario ?
EE : Que ce soit clair, le Gainsbourg du scénario n’est pas le vrai. C’est un personnage inventé. Évidemment, il y a des ressemblances ; on s’est arrangé pour qu’il y ait des similitudes physiques, des similitudes d’attitudes, des similitudes historiques. Mais, j’ai ressenti cela plus comme un rêve, un fantasme, celui de Joann Sfar. C’est ça qui m’a plu, c’est ça qui m’a fait marrer et c’est ça qui a fait que c’était assez beau.

GQ : Avez-vous retrouvé dans le film l’univers de Joann Sfar que vous aviez connu dans ses BD?
EE : Oui, je crois. Je ne suis pas non plus un grand connaisseur de Sfar, mais il y a quelque chose de décalé dans son film, avec des personnages un peu oniriques qui le traversaient ; il y avait aussi des choses très enfantines, très naïves ; des choses assez belles. Je crois que ce sera surtout un film mélancolique.

GQ : Dans ce film, le fait que le metteur en scène soit un auteur de bandes dessinées change-t-il quelque chose ?
EE : La seule chose spécifique que je retiens, c’est que lorsque Joann Sfar avait besoin de donner des indications précises, que ce soit pour la costumière ou le chef opérateur, il faisait des dessins : des attitudes, des costumes... On voyait assez vite ce qu’il voulait. Il a un vrai rapport à l’image. Moi, à l’inverse, j’ai davantage un rapport au texte. Et puis, c’était joli, le regard qu’il avait. Un regard extrêmement naïf sur les acteurs. Il ne savait pas vraiment comment ça marchait mais il pige vite, ce mec est très doué.

GQ : Parlez-nous de l’ambiance sur le plateau. Comment se sont passées vos relations avec vos partenaires ?
EE : Très mal. J’étais insupportable. (Rires) En fait, la vie de Gainsbourg fonctionne en miroir par rapport aux femmes qu’il rencontre. Du coup, sur le plateau, c’était comme si j’accueillais les actrices chez moi, les unes après les autres [Laetitia Casta, Lucy Gordon, Anna Mouglalis...]. C’était très agréable de les voir arriver à chaque fois. J’étais très content, comme un enfant gâté.

GQ : Sfar dit que vous n’avez pas cherché l’imitation, que vous avez inventé votre Gainsbourg.
EE : Ce n’est pas une question d’inventer, c’est plutôt une question d’incarner. J’ai donné quelques signes de Gainsbourg, mais j’ai toujours essayé d’incarner une personne. Cette personne-là part quand même de moi, mais au fond, c’est comme un va-et-vient entre lui, moi et Joann. Je campais presque un personnage à trois têtes. Je ne sais pas si cela sera concluant à l’arrivée, mais j’aime bien l’idée qu’on laisse un espace d’interprétation aux gens ; et ne pas faire une performance, une parade où tu en prends plein la gueule.

GQ : Qu’avez-vous repris de Gainsbourg ?
EE : J’ai surtout repris les attitudes, le côté dandy que je n’ai pas, le regard un peu en biais, le menton plus levé et des petites choses sur la voix que j’ai repéré en l’écoutant chanter.

GQ : Vous êtes devenu fumeur à cause de lui ?
EE : Malheureusement, je me suis remis à fumer. C’est mon fils qui n’est pas content.

GQ : Quelle était auparavant votre image de Gainsbourg ?
EE : J’avais un peu la même image que tout le monde : les frasques télévisuelles, le billet, Withney Houston... Ce n’était pas quelque chose qui me touchait. Comme je ne connaissais pas bien ses chansons, je restais dans une image superficielle. Maintenant, quand je l’écoute, non plus pour le travail mais pour le plaisir, je trouve ça génial. J’ai découvert Melody Nelson et plein d’autres chansons superbes. En m’approchant du texte, j’ai découvert le grand artiste. Ca me touche beaucoup plus.

GQ : Vous avez pu rencontrer la famille Gainsbourg ?
EE : Non, cela ne s’est pas fait. Personne ne s’est manifesté. J’ai donc travaillé de mon côté. Quand le film sortira, on va sans doute leur demander ce qu’ils en pensent – s’ils vont le voir, après tout, je n’en sais rien. J’imagine que quand on a vécu avec quelqu’un pendant des années, tout ça, c’est un peu sensible. C’est normal.

GQ : Appréhendez-vous la sortie du film ?
EE : On va en entendre de toutes les couleurs. J’ai l’impression que chacun a son Gainsbourg. Certains vont dire « ah non, ce n’est pas le Gainsbourg que je connais »... Maintenant, j’en donne une interprétation. C’est comme jouer un personnage classique au théâtre. Si tu joues le Misanthrope ou Cyrano, tu en donnes ta vision… Sur Gainsbourg, il y a forcément des contraintes, on ne peut pas complètement inventer. Il y a certaines limites, mais ces limites sont intéressantes.

GQ : En parlant de contraintes, comment avez-vous préparé ce rôle ?
EE : Pour ce film, j’ai eu du temps, j’ai été prévenu longtemps à l’avance. J’ai plutôt tendance à ne rien faire avant, à me laisser vagabonder. Je ne rentre pas dans un processus de travail, mais je sens que ça travaille quand même. Rien que le fait d’y penser, de prendre le scénario de temps en temps, de le laisser, le reprendre... Comme une période de gestation. Ensuite, il faut aussi espérer que ça sorte le jour où cela doit sortir.

GQ : Vous avez peur ?
EE : La peur c’est ton partenaire permanent, que ce soit au cinéma ou au théâtre. Au cinéma, on peut recommencer, mais si le truc n’est pas là, tu peux bien faire 45 prises, ça ne marchera pas plus. La peur est là. Il faut arriver à sortir quelque chose qui serait juste, qui puisse exister.

GQ : Avez-vous connu des blocages sur le film ?
EE : Il y a toujours des scènes qui font plus ou moins peur. Entre 30 et 55 ans, Gainsbourg n’est presque pas le même personnage, c’est comme si j’avais joué plusieurs rôles. J’ai été aidé par le physique. On travaillait pas mal la figure - 5h de maquillage - et j’ai cherché comment le mec s’était un peu transformé, comment tout ça s’était un peu cassé, j’essayais de retrouver les sensations.

GQ : On vous avait déjà dit avant que vous ressembliez à Gainsbourg ?
EE : Ma frangine me l’avait déjà dit. C’était la seule. Mais sur le tournage, j’avais quand même des prothèses pour me décoller les oreilles ainsi qu’une prothèse sur le nez.

GQ : Le costume aide mais comment rend-on la réalité du personnage ?
EE : Pour moi, l’important est d’être dans le présent. Au théâtre, une fois que tu es entré sur scène, tu attrapes le fil, tu le déroules et tu ne le lâches plus jusqu’à la fin. C’est donc différent tous les soirs. Au cinéma, il faut à chaque fois rattraper le fil, car entre chaque prise, il se recoupe. A chaque fois, il faut retrouver l’impression d’être dans le présent sur 30 ou 40 secondes. Il faut réussir à retrouver ces petits moments de vérité.

GQ : On dit souvent qu’au théâtre il y a un lien qui se crée avec le public. Vous n’avez pas peur que ce lien disparaisse avec le cinéma ?
EE : Disparaître ? Bien sûr que non. Évidemment, quand tu es sur scène devant 800 personnes, tu as la conscience de cela, tu es bien obligé de jouer avec. Au cinéma, c’est pareil. Même si c’est devant une équipe de quinze personnes, tu sens bien quand il se passe quelque chose, que la densité de l’air change. Cela peut être sur le rire ou l’émotion, tu joues toujours devant quelqu’un. Je ressens cela.

GQ : Au cinéma, vous êtes plutôt seconds rôles. Avec ce rôle-titre, vous faites un énorme saut dans le vide…
EE : C’est vrai qu’on ne me voit jamais dans les bandes annonces ! J’ai tourné dans des films de copains comme Dupontel, Podalydès ou Bourdieu. On se retrouvait autour de projets qui nous tenaient à cœur. Effectivement, je me rends bien compte qu’il y a quelque chose qui change. Forcément, mon nom va être associé à Gainsbourg. Maintenant quand on dira Elmosnino, les gens ne diront plus : Quoi ? Qui ? Qu’est ce qu’il a fait ? Mais par contre, ça met un éclairage sur mon nom. Dans tous les cas, je sais que je vais continuer à faire du théâtre et si ce film m’ouvre aussi d’autres portes, je serai content. Je suis très preneur. Le but, c’est d’avoir le choix.

GQ : N’avez-vous pas peur du côté « bling-bling » du cinéma ?
EE : Le « bling-bling », les paillettes, c’est ce qu’il y a autour, ce n’est pas le travail que tu fais.

GQ : Il y a quand même une énorme machine de com’ qui va se mettre en branle. N’est-ce pas un peu le sale côté du cinéma ?
EE : Je ne suis pas blasé là-dessus. C’est un truc que je n’ai jamais fait, donc je suis curieux de voir comment cela se passe. C’est comme une deuxième vie de faire un film comme celui-là. Je suis tout à fait prêt à vivre ce moment. Après coup, je dirai peut-être « non mais c’est trop pénible, c’est trop chiant» ; mais je ne veux pas me faire d’idées. On verra bien.

GQ : En attendant, vous venez de finir de jouer Rabelais pour un téléfilm de France 2. Ca y est, vous êtes condamné aux biopics ?
EE : Je ne me spécialise pas dans les biopics, ça s’est trouvé comme ça. Mais je trouve formidable que France Télévisions mette de l’argent sur la table pour financer ce genre de projet qui ouvre à la littérature. On entend souvent dire que les gens n’aiment que Julie Lescaut. Évidemment, si on ne leur donne que ça ! Mais montrez-leur autre chose, vous allez voir. Vous savez, les salles de théâtre sont pleines. Les gens n’ont pas tous fait bac + 12 pour aller voir ces spectacles. Il n’y a rien d’intello. C’est juste qu’il y a des grands artistes, des grands metteurs en scène qui font des beaux spectacles. Et moi, je suis fier de travailler avec ces gens-là.

GQ : On a cependant l’impression que la parole est plus libre au théâtre qu’au cinéma…
EE : Je crois. Tu peux y monter les textes que tu veux ; il faut cependant faire attention de ne pas être dans l’unique volonté de choquer et qu’il y ait quelque chose d’intéressant derrière. Il y a encore des auteurs qui poussent loin l’analyse de ce qu’est l’humanité et l’être humain. Quelque chose qu’on ne voit pas à la télé.

GQ : En parlant de télévision, on se souvient des frasques de Gainsbourg, était-il le fruit d’une époque?
EE : Je crois qu’il faut dissocier l’œuvre de ce qu’il est lui. D’un côté, il y a son art qui est extrêmement intemporel ; de l’autre, il y a la personne que l’on voyait à la télévision. C’est différent. De même, un type comme Coluche a amené une parole plus vraie, plus honnête, plus provocatrice. Il a été important pour les années 80.

GQ : Croyez-vous qu’à une période formatée comme la nôtre, ils auraient pu avoir la même production ?
EE : L’époque a changé ; c’est vrai. Mais j’ai tendance à croire que les personnalités qu’ils étaient, avec le talent qu’ils avaient, seraient les mêmes à toutes les époques. Ils étaient de grands artistes, tout simplement.

GQ : Ce n’est peut-être pas anodin qu’à l’époque actuelle, plus politiquement correcte, de telles figures de rebelles soient érigées en icône…
EE : Sûrement. C’étaient des soupapes. Je suis sûr que cela libérait plein de choses chez les gens qui les regardaient. Soit par le rire pour Coluche, soit par l’émotion et la provocation pour Gainsbourg.

GQ : Cela passerait moins maintenant ?
EE : Peut-être. Vous voulez dire qu’on est en train de revenir à une espèce de conservatisme et de puritanisme ? C’est vrai.

GQ : Vous verriez une figure de rebelle à l’époque actuelle?
EE : Marc Lavoine ? (Rires) Ah, j’écroule d’un coup tout le raisonnement que j’ai construit ! Gainsbourg et Marc Lavoine ! Non, sans rire, il existe sûrement des gens comme ça. Serge Gainsbourg, c’était plus qu’une figure de rebelle. Je ne sais pas comment, il arrivait toujours à garder quelque chose de beau. Je crois que c’était quelqu’un de fondamentalement honnête. C’est cela qu’on sentait : parfois il était complètement à nu. Et quand des gens offrent ainsi leur fragilité, cela leur donne au fond une grande force. Je crois que les gens sentent ça. Ils sentent cette force.

L'Echange : Une Femme invaincue

La vie paisible de Christine Collins (interprétée par l'impressionnante Angeline Jolie) dérape le jour où son fils Walter est porté disparu. Cinq mois plus tard, la police de Los Angeles crie sur tous les toits qu'elle a retrouvé l'enfant. Les retrouvailles sont savamment orchestrées devant la presse mais la mère ne reconnaît pas son fils. Commence alors un combat acerbe entre une mère et une administration policière corrompue jusqu'à l'os qui préfère les arrangements mafieux avec les politiciennes que la protection des citoyens.

Plus classique, plus sobre, Clint Eastwood a rangé ses grands mouvements de caméra et l'emphase qui ont fait la beauté du diptyque sur la bataille d'Iwo Jima (Mémoires de nos Pères et Lettres d'Iwo Jima). Le vétéran du cinéma américain se délecte à construire un film noir old-school à la réalisation minutieuse et au scénario riche pourtant tiré d'un fait divers. Ici, il ne s'arrête à la disparition de l'enfant, il fouille dans les injustices de l'époque, révèle une madone revancharde et laisse apparaître, par le personnage d'un policier plus intègre, la possibilité d'un autre monde. Plus juste.

Lèvres rouge passion

Plus classique, plus sobre. On peut faire le même compliment à Angelina Jolie qui a rangé son bonnet D et son jeu sensuel pour incarner à la perfection cette mère courage. Il y a du Ingrid Bergman dans cette actrice qui voit enfin sa carrière décoller avec un rôle où sa retenue, ses larmes et ses lèvres rouge passion remplissent l'écran d'une classe hollywoodienne inattendue.

Le scénario s'emballe quand la mère, aidée par le Révérend Brieged (majestueux John Malkovich), devient la figure de proie d'une quête pour la vérité et pour la liberté. De l'asile au tribunal, Christine Collins n'est que larmes, visage fermé, déterminé, et yeux verts cendrés surgissant sous le chapeau cloche qui semble la maintenir droite et vivante malgré les obstacles, humiliations et déceptions qui trouble sa route.

Reparti bredouille de la Croisette, l'Echange fait déjà figure de favori pour les Oscars qui se tiendront, à Los Angeles, le 22 février 2009.

Le PS, un parti en quête d'union

En préambule de ce Congrès, le Parti socialiste (PS) a adopté une nouvelle déclaration de principes lors de la convention nationale, le 14 juin dernier. Cette 5ème mise au point de la ligne politique du Parti depuis la création de la Section française de l'internationale ouvrière (SFIO) en 1905 annonçait déjà la rénovation qui va réellement prendre forme avec l'élection d'un nouveau premier secrétaire.

Les experts ont noté que le PS éliminait l'idée de « lutte révolutionnaire » laissant donc à la gauche de la gauche ce thème hautement communiste. A l'instar de la déclaration de principes de 1990 qui acceptait pour la première fois l'économie de marché, le texte de 2008 montre une évolution du Parti en fonction de la société et de l'histoire.

Un parti, des courants

Tous les dirigeants du PS ont unanimement signé cette déclaration. Pourtant, à l'approche du Congrès, les différents courants sont toujours d'actualité. Ségolène Royal prône une social-démocratie tirant vers le centre. Bertrand Delanoë et Martine Aubry se repositionnent à gauche où l'on trouve déjà Benoît Hamon.

Historiquement, le PS a toujours était un parti unissant des courants. Sa naissance en 1969 résulte de l'union de la SFIO avec d'autres partis de gauche. Il est donc logique de retrouver des années plus tard ces multiples voix. La force du Congrès d'Epinay en 1971 est la victoire de François Mitterrand, sortant d'un courant minoritaire. Fédérateur, certain que la légitimité du PS tenait à l'union des forces de la gauche non-communiste, il réussi à prendre la tête du Parti avec un programme fort.

En 1974, Michel Rocard, personnage emblématique du Parti Socialiste Unifié (PSU), rallie le PS et soutient François Mitterrand lors de la présidentielle où il échoue de peu. Quelques années plus tard, en 1979, le Congrès de Metz confirme la rivalité entre François Mitterrand et la « deuxième gauche » de Michel Rocard peu favorable aux nationalisations intégrales prônées par le Premier secrétaire.

Reims marquera l'histoire

La présidentielle de 1981 voit les manoeuvres de réunification de la gauche portée ses fruits avec la l'élection de François Mitterrand. Réélu en 1988, l'homme qui a oeuvré pour une gauche fort et unie est en dehors des tractations du Parti se délite lentement. Le Congrès de Rennes de 1990 sonne la division du Parti en trois courants (Jospin/Rocard/Fabius).

A sa manière, le Congrès de Reims marquera certainement son temps. Les négociations risquent d'être houleuses. Or personne ne semble avoir, pour l'instant, l'impact et le charisme d'un François Mitterrand qui, fraîchement débarqué, avait réveillé l'identité commune d'une gauche qui se cherchait.

"Il existe un million d'appartements inoccupés à Paris"

L'association Droit Au Logement (DAL), créée en 1990, se bat pour que le gouvernement s'occupe des sans-logis. Squats, manifestations... le DAL ne relâche pas la pression au sein du Ministère de la Crise du Logement.

L'association au Droit Au Logement a encore du pain sur la planche. Marc, qui assure la permanence ce mercredi, ne voit pas encore les conséquences de la crise : « La précarité est constante mais on remarque depuis un an de nouveaux profils comme ces étudiants qui se font expulser des campus universitaires ou ces retraités qui n'arrivent plus terminer le mois. »

Cette nouvelle génération de précaires s'ajoute à une population de travailleurs qui ne s'en sortent pas : « Toutes les personnes dont le DAL soutient la demande de HLM sont des travailleurs. Comme cette femme de 45 ans, arabe, gouvernante qui gagne 1300€ par mois mais voit tout son salaire passer dans le prix de son loyer : 852€ par mois pour une chambre de 11m² avec les toilettes sur le palier. Les précaires font des sacrifices. C'est la voiture ou le toit. Le loyer ou la nourriture. »

Une privatisation de l'aide sociale

Pendant que les populations défavorisés se dépatouillent, Christine Boutin, la ministre du Logement et de la Ville se permet des effets d'annonce. Marc remarque qu'en dehors de la campagne présidentielle, les politiques sont hérmétiques au problème. « Les hommes politiques refusent tout contact avec nous. Nos actions font rire la "Mère-tape-dure" (sic) Boutin. Elle met au point une privatisation de l'aide sociale car l'Etat préfère donner une enveloppe à quelques associations et fermer les yeux sur la gestion de cet argent. Toutes les associations ne sont pas gérées par Mère Térésa. Certains vont en profiter pour payer grassement leurs salariés plutôt que de redistribuer cette aide. »

En attendant, le 115 et l'aide de l'Etat relève de l'absurde. « Si vous demandez de l'aide à une mairie, une assistance sociale vous donnera la liste des "hôtels agréés" par l'Etat. Dans les faits, ce sont des hôtels de passe où les chambres sont chères (1 000€ par mois), insalubres et sans chauffage. Les personnes qui gèrent ces hôtels n'ont aucune morale. La trêve hivernale, ils s'en foutent. »

Pour faire changer les choses, le DAL milite pour l'application de la loi de 1948 sur la réquisition. « A Paris, on trouve un million de logements libres qui pourraient être transformés en logement sociaux. Quand nous avons investi l'immeuble de la rue de la Banque, il était vide depuis 12 ans avec le chauffage allumé. »

La ministre du Logement ne répond plus

L'action du DAL a eu de grandes répercussions médiatiques l'année dernière lorsque l'association a habrité plusieurs familles dans des tentes sur le trottoir de la rue de la Banque : « Nous avons signé un protocole de relogement avec Christine Boutin. Il stipulait que les 370 familles devaient être relogées dans l'année. Résultat, 100 familles ont les clés d'un appartement. Pour les autres, le téléphone de la ministre du logement ne répond plus. »

L'association s'inquiète aussi pour son avenir. Le 5 novembre, le DAL a comparu devant le tribunal de police. « Le 24 novembre, nous saurons si nous devons payé l'amende de 32 000€ a laquelle nous avons été condamnée. Si ce jugement est confirmé, il va couler l'association et créer un précédent. N'importe quel SDF avec une tente pourrait être comdamné à 6 000€ d'amende. C'est absurde. »

L'association Droit Au Logement est attaquée pour avoir « embarrassé la voie publique »... et embarrassé la ministre du Logement en mettant au jour la précarité des Français.

Tableau de la gare Saint-Lazare

La Gare Saint-Lazare charbonneuse peinte par Monet fait partie du passé. C'est toute colorée et joviale qu'on la découvre en cet après-midi printanier. Adossés aux quais, les trains sont bleu ou gris, les uns partent voir la mer, les autres restent enfermés en Ile-de-France. Visiblement, certains sont plus joyeux que les autres. Avant d'atteindre cette zone déterminante où l'on voit déjà apparaître des morceaux de nature à l'horizon des rails, on déambule un temps dans le hall de gare rénové.

Grand et lumineux comme on imagine les marchés couverts de province avec des bananes et des rougets qui pendent des stands, le hall de la gare Saint-Lazare est convivial. Il a même des airs de cour de récréation avec ses imposantes bornes automatiques jaune et noir, clouées au sol comme une armée de Picachu prêts à rougir et à tirer la langue d'un billet Paris-Caen pour les plus aventureux. D'ailleurs, on y fait la queue, carte bleu et numéro de commande à la main. « Et dire que c'est censé accélérer le service »... commente âprement une business woman, tailleur noir serré sur les hanches, à l'attaché-case gominé à ses côtés. C'est sûr, elle, elle risque de fulminer pendant tout le trajet.

Derrière le couple de CSP+ façon Wall Street en voyage d'affaire vers la charmante bourgade de Chanteloup les Vignes, viennent se coller trois filles et un garçon d'une vingtaine d'années et donc, ô combien bruyant. Ca papote, ça se complimente, ça téléphone pour se donner rendez-vous dans « Saint-Laz' » et ça part visiblement déjà en week-end. De quoi renforcer la mauvaise humeur du duo de croque-mort qui se retournent ostensiblement vers les yeux trop maquillés d'une des groupies.

Deux des filles, blondes et poudrées à souhait, se sont donné le mot pour assortir chacune un jeans slim blanc avec des sandales de gladiator argentées. L'homme du groupe affiche fièrement le short un peu élimé de l'été dernier, jusqu'au genou à la Nadal, et des lunettes de soleil fumées qu'il ne retirera sous aucun pretexte. Imitation Philippe Manœuvre oblige. Un compagnon de route les rejoint : explosion de cheveux bruns et t-shirt rouge logoté du fameux graffiti représentant Obama. Bleu, blanc, rouge... le graf' de Shepard Fairey fait toujours son petit effet. Il est « sorry » et il a grandement faim. La devanture rouge orangée de la Croissanterie attire son attention. L'odeur aussi dorée que synthétique des croissants le persuade.

Il sillonne entre les voyageurs, passe à côté de deux uniformes bleus lavande siglés SNCF, une casquette ton sur ton finissant le costume. Il s'écarte face à trois soldats kaki, une colonne armée avançant de front composée de deux gaillards encadrant une jolie brunette aux cheveux tirés, au visage fin et à la mitraillette presque trop grande pour elle. Le sourire aux lèvres, il laisse ensuite passer un convoi d'asiatiques aux associations vestimentaires improbables. Le fluo est à la mode, les femmes explorent les couleurs, l'été va être bigarré. « Le train à destination de Lisieux va entrer en gare quai... » La voix féminine de la SNCF annonce un train, les panneaux horaires papillonnent à la recherche du bon mot et les visages changent sur les bancs de la gare. Les valises roulent, les trains hurlent et la gare encore tout éclairée n'a pas fini sa journée.

Du piquet de grève à la régularisation

En avril 2008, les grèves des travailleurs sans-papiers font la Une des journaux. Le restaurant La Grande Armée, le Café de l'Ile de la Jatte, le Bistrot Romain des Champs-Elysées... la France découvre les coulisses obscures des métiers de la restauration. Les piquets de grève suivis de régularisations ont beaucoup fait parler à l'époque mais la lutte continue toujours. Chaque jour des dossiers sont déposés à la préfecture dans l'attente d'une régularisation.

Dans la silencieuse salle inférieure de la pizzeria Marzano, boulevard des Italiens, Moussa s'attable devant un plat de spaghetti au pesto. Vu l'ambiance décontractée et amicale qui règne ici, il est difficile d'imaginer que pendant trois mois, huit cuisiniers ont fait grève pour être régularisés.

En avril 2008, les travailleurs sans-papiers de cette pizzeria des beaux quartiers demandent le soutien de la CGT et montent un piquet de grève. Durant la mobilisation, ils ont dormi, mangé, vécu sur place, tenté de faire signer leur pétition par des passants peu réceptifs mais n'ont jamais perdu espoir. « Avoir le soutien de la CGT, ça voulait dire être en sécurité et avoir des retombées médiatiques ». Michèle Boissy, secrétaire de l'union locale CGT du IXème arrondissement, a réellement vécu la mobilisation en s'installant avec eux et en s'occupant des médias attirés par cette mobilisation d'envegure. Sur le blog « Le Journal d'une grève » qu'elle tenait en collaboration avec le site Internet du Nouvel Observateur, elle raconte, le 21 avril : « Les cuisiniers sont fatigués car ils dorment sur des chaises. Ils ont tout de même réussi à faire rentrer des couvertures. Ils ne sortent que deux par deux pendant la journée pour prendre des douches. Ils partent à tour de rôle. »

Tablier blanc, sourire généreux et regard intimidé, à 24 ans, Moussa se souvient de cette période et est un homme heureux. Parti du Mali et arrivé en France en 2004 grâce à un visa de tourisme, il travaille à la pizzeria Marzano depuis 1 an et demi et il est fier d'être enfin en règle : « Ça change la vie d'avoir des papiers. Maintenant, je n'ai plus peur quand je croise des policiers dans la rue. »

Pour Samba, un autre cuisinier malien arrivée en France en 2001 après avoir tenté une expédition aux Etats-Unis, avoir des papiers lui a apporté la « tranquilité d'esprit ». Il envisage maintenant avec plaisir d'aller voir sa famille : « Je suis heureux d'être libéré de la peur d'être expulsé et je mets de l'argent de côté pour retrourner au pays. Je veux revoir le Mali, ma famille et je vais adorer revenir en France. Légalement. Par la grande porte ! » Les deux hommes sont reconnaissants pour le travail et le soutien des syndicats qui ont coordonné les grèves.

Des salariés prêts à se battre

Le 15 avril, la région Ile-de-France voit se lever des piquets de grève et découvre les visages de ces travailleurs peu considérés. Olivier Villeret, secrétaire général CGT d''Ile-de-France, explique que le mouvement a connu ses prémices en 2007 avec une multipication de manifestations puis a connu une réelle avancée avec la grève des sans-papiers du restaurant de la Grande Armée. En une semaine, sept salariés sont régularisés et la CGT voit débarquer dans ses bureaux une foule de sans-papiers « prêts à se battre ». Le syndicat des travailleurs prend conscience de l'étendue du problème et fédère les sans-papiers pour une grève historique.

Dans la pizzeria Marzano, la bataille a duré trois mois. Le responsable ne veut plus parler de cette période. Il est « soulagé que ce soit fini et heureux que tout soit en règle ». Comme beaucoup d'employeurs, il dit avoir appris le statut de sans-papiers de ses employés en même temps que la grève. Comme beaucoup d'employeurs, il a préféré entrer en négociation avec les syndicats et aider les procédures. La CGT note que les relations sont presque toujours restées courtoises pendant les négociations : « Dans les cas de grèves avec occupation, les patrons étaient un peu hostiles pendant les deux premiers jours puis ils nous ont aidé. C'était aussi dans leur intérêt. Certains dossiers ont nécessité trois mois alors que, dans d'autres établissements, des patrons ont été capables de rassembler les pièces en deux heures. »

Le récépicé reçu, les salariés régularisés sont prêts à vivre leur nouvelle vie mais essayent de se tenir au courant de l'évolution des autres piquets de grève. Selon le responsable CGT, 2 190 salariés sans-papiers d'Ile-de-France se sont mis en grève le 15 avril. A l'heure actuelle, environ 1 400 ont été régularisé. Dans les restaurants parisiens, on scande 100% régularisations. Une belle victoire. Mais dans le secteur du bâtiment, les dossiers sont plus complexes.

Dans le 10ème arrondissement, à l'angle de la rue Saint-Vincent-de-Paul et de la Place de Roubaix, une banderole rappelle que quatre-vingts-huit salariés de Man BTP sont en grève. Selon le protocole d'accord passé entre l'entreprise et les sans-papiers, la grève est « silencieuse ». Un condition préalable demandée par la préfecture avant l'examen des dossiers. Djiby Sy, porte-parole de ceux qu'ont appellent les « 88 », explique que tout le monde a repris le travail pendant que les dossiers sont montés par les quatre délégués. « C'est important de rester en bon contact avec l'entreprise. De plus les dossiers sont déposés au fur et à mesure à la préfecture et l'attente peut être longue. On est tous là pour travailler. » Ce Mauritanien de 40 ans a un sacré bagage (étude de droit, d'informatique, de gestion) et « une bonne expression ». Arrivé en France en 2000, il a été gérant d'un magasin puis agent de sécurité avant d'être embauché, en 2003, par Man BTP, une agence de travail temporaire spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics. En voyant la vague de régularisation découlant du mouvement du 15 avril, Djiby Sy « prend son courage à deux mains, veut entrer en lutte » et devient l'un des inistiateurs de la revendication dans son entreprise.

Des salariés comme les autres

Commencé en juillet, ce mouvement met aussi en lumière le problème du statut des sans-papiers intérimaires dans le droit français. Les syndicats ont dû se battre pour intégrer les intérimaires au sein de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile concernant l'immigration pour motifs professionnels. Olivier Villeret (CGT) explique : « Ce sont des salariés comme les autres. Avant, l'intérim, c'était un choix mais maintenant, c'est plus par défaut. Surtout pour les sans-papiers. La bataille pour intégrer les intérimaires dans l'article 40 a permit d'ouvrir un droit mais les conditions sont contraignantes. Le sans-papier peut accéder à la régularisation s'il peut prouver de 910 heures de travail dans une même entreprise et si un donneur d'ordre, une entreprise, promet de le faire travailler 12 mois sur les 19 mois suivant. » Depuis le 20 décembre 2008, il existe donc un droit écrit. Qu'il faut maintenant faire appliquer. Mais pour la CGT, faire appliquer le droit du travail, c'est une « lutte classique ».

Avec les trois autres délégués, Djiby Sy s'occupe des dossiers de ses collègues « moins instruits ». Il apprécie l'aide des syndicats dont l'Union syndicale Solidaires où il est adhérent mais aussi des associations d'aide aux sans-papiers comme Droits devant !!. Pour cette nouvelle année, il sent que la loi est derrière lui : « On paie des impôts, on cotise. Nous sommes des salariés comme les autres et nous faisons partie de la France qui se lève tôt. »

Fear and Loathing in the 60's

Principalement connu pour son livre Las Vegas Parano (Fear and Loathing in Las Vegas), Hunter S. Thompson est à l'origine d'un nouveau style journalistique brisant la prétendue distance objective pour faire place au subjectivisme le plus total.

« Le vrai reportage gonzo exige le talent d'un maître journaliste, l'œil d'un photographe artiste et les couilles en bronze d'un acteur » expliquait Hunter S. Thompson, barricadé dans son ranch de Woody Creek. Avant de terminer en sauvage parano accueillant ses visiteurs armé d'un Magnum 44, avant d'éructer contre une « nation dirigée par des porcs » et avant de se suicider d'une balle dans la tête en 2005, l'écrivain américain a sillonné les routes et raconté les États-Unis brut de décoffrage, baignant dans leur jus. Il invente, du même coup, un nouveau style d'écriture : le gonzo journalisme.

S'exprimant toujours à la première personne, l'auteur affublé de Ray-Ban fumées et d'un porte-cigarette détonne dans le monde du journalisme avec ses commentaires incendiaires sur la politique et ses aventures psychédéliques.

Sur le sol poussiéreux de l'Amérique

D'Hunter Thompson, on se souvient de chroniques footballistiques boueuses, de sa couverture de la présidentielle de 1973 émaillée des pires insultes à l'encontre du candidat Nixon, de ses rencontres alcoolisées avec Robert Kennedy ou Mohammed Ali… Ses papiers écrits à la dernière minute, la machine à écrire posée sur le capot d'une Cadillac rouillée, les notes gribouillées (griffonnées ?) s'éparpillant sur le sol poussiéreux mais fertile de l'Amérique, Hunter Thompson raconte sa vie, ses impressions face aux grands de ce monde comme face aux populations débraillées qu'il rencontre au détour d'un comptoir de bar.

Persuadé que le meilleur journaliste est celui qui vit le monde, qui expérimente son sujet au lieu de le regarder, Hunter Thompson passera deux années sur la route aux côtés des Hell's Angels, ces motards anarchistes qui faisaient trembler les bonnes mœurs américaines. Il bichonne sa Harley, porte le blouson de cuir à frange et s'enquille des bières vitesse grand V mais n'oublie jamais son sujet. Entre 1963 et 1965, il bouffe les kilomètres, réchappe d'un accident de moto haute voltige, habite dans des squattes et décrit, entre deux rixes, cet autre American Way of life.

Sur les mêmes routes que la Beat Generation

Au fil des trips – dans tous les sens du terme – Hunter Thompson croise la Beat Generation, un nouveau mouvement libertaire mélangeant art et drogue. Pas parti du même port mais arrivé dans les mêmes sphères, Hunter Thompson devait forcément croiser la Beat Generation car l'auteur gonzo et les beatniks errent sur les mêmes routes. Un chemin imposé dans cette période entre deux mondes. Allen Ginsberg et William Burroughs apparaissent au milieu d'une bagarre ou autour d'un scotch on the rocks. Ils symbolisent, entre autres, cette génération où l'errance est la base d'une réflexion sur la société. Dessiné à Londres par une jeunesse qui revisite le rock'n'roll pour en faire une musique underground, ce mouvement estampillé Swinging 60's conquiert les États-Unis.

Dopées par ce nouveau rock dévergondé, les années 60 s'expriment avec une nouvelle verve. Plus violente, plus militante, plus personnelle. Dopé par son indépendance, Hunter Thompson s'inscrit en parallèle de ce foyer artistique où l'homme est désinhibé face au monde. L'écrivain américain donne un nom à un journalisme libéré, assoiffé de réalité. Tellement 60's.

Les empreintes digitales ne trompent jamais

Accusé de vivre illégalement en France et d'essayer d'échapper à l'expulsion, un homme d'origine chinois passe en comparution immédiate devant la 23ème chambre correctionnelle.

Tête baissée, regard vide, un homme d'origine chinoise attend patiemment depuis plus d'une heure que son cas soit étudié par la 23ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris. Son interprète, après moult aller-retour, vient se placer devant lui et promet de respecter le code déontologique. Le président raconte l'histoire de cet homme arrivé en France il y a 10 ans, après avoir quitté femme et enfant en Chine. En 2001, il a été condamné à 6 ans d'emprisonnement et une reconduite à la frontière par la 16ème chambre. Aujourd'hui, lundi 21 avril, il est accusé d'avoir pénétré illégalement en France et de s'être soustrait à une procédure d'expulsion.

L'avocat, bedonnant et assuré, attaque sur la nullité du procès. Il défend le vice de procédure car l'interprète présent au commissariat ne parlait pas le même dialecte. « Un de mes amis, professeur de chinois, m'expliquait qu'il y a 48 langues en Chine. Pour lui, le discours de l'interprète n'était que du charabia. » En vertu du code pénal, il demande la relaxe pour procédure nulle. Le procureur prend la parole et refuse d'appliquer cette exception à l'affaire en cours. Il embraye ensuite sur les fréquents changements d'identité du prévenu. Le prévenu aurait été interpellé en 1995 et en 2001 sous deux autres noms. Dans son box, le prévenu secoue la tête et l'interprète traduit « ce n'était pas moi ». Quand le président lui demande pourquoi il n'a pas respecté les précédentes peines, le prévenu répond via son interprète : « Je connaissais ma condamnation mais je ne savais pas que je devais quitter le territoire français. » La ligne de défense n'est pas bien claire.

« Il ne retrouve pas son français, votre client ? »

Après avoir interrogé le prévenu, le président fait la lecture de l'examen de personnalité en insistant sur le fait qu'il a été « effectué en français et en chinois ». Le prévenu avance alors des problèmes psychiatriques. Le président relève la tête, surpris : « Ah bon ? Parce que pendant l'enquête de personnalité vous avez seulement mentionné des problèmes de dos. » Soupçonneux, le président tente de rencontrer le regard du prévenu et de lui soutirer quelques mots en français. En vain. L'interprète ne cesse de traduire.

Lors de son temps de parole, l'avocat remet en cause le parallèle entre les deux identités. Il met en avant la différence entre les empreintes palmaires et essaye d'attribuer les 6 ans de prison à une autre personne. Ses petits pas et sa démonstration alambiquée n’emportent pas vraiment l'adhésion du tribunal.

Dans son réquisitoire, le procureur demande directement à l'avocat de ne pas nier l'évidence. « Ces deux identités renvoient au même individu, une personne bien ancrée dans la délinquance, l'utilisation d'alias et sans papier. » Et il requiert une interdiction définitive du territoire français et une peine d'au moins 8 mois avec mandat de dépôt.

Exaspération


Dans sa plaidoirie, débordant d'orgueil procédurier, l'avocat revient à nouveau sur le rapport d'empreintes. « Le tribunal a bien compris, vous savez », s'impatiente le président alors que l'avocat entreprend de retrouver un dossier. Tout en compulsant ses notes, l'avocat ironise sur le système de comparution immédiate. Exaspéré, le président renvoie l'avocat à son incapacité : « c'est pourtant très clair, c'est même post-ité. » Et d'ajouter avec tact : « Vous savez, Maitre, quand on a les empreintes digitales, on n'a pas besoin des empreintes palmaires car même des jumeaux monozygotes, depuis que le monde est monde, on des empreintes différentes. »

Sévèrement rabroué, l'avocat termine sa plaidoirie en demande l'annulation de la procédure ou la liberté pour le bien-être du fils du prévenu.

Quelques heures plus tard, le verdict tombe. Condamnation à 6 mois ferme, mise en détention et rejet des conclusions de nullité, le prévenu repart en prison. Et l'avocat repart avec ses empreintes palmaires.

Le PS à l'heure de la rénovation

On disait l'affaire ficellée. On voyait déjà les motions de Bertrand Delanoë et de Ségolène Royal se confronter dans la course finale pour la rénovation du Parti socialiste. C'était sans compter sur le réel désir de rénovation qui a poussé Martine Aubry et Benoît Hamon à se lancer d'arrache-pied dans la bataille. Alors, quelques heures avant le vote, les adhérents du PS hésitaient encore entre les quatre principaux courants.

Le renouvellement de la tête dirigeante du Parti socialiste suit une chronologie un peu complexe qui mène au Congrès de Reims du 14 au 16 novembre. Après la dépôt de propositions pendant l'été et les alliances de la rentrée pour définir six motions, les militants « encartés » devront trancher. Le Parti prévoit la participation de 130.000 à 140.000 adhérents. Deux cent trente trois mille personnes sont inscrites sur les listes électorales dont 65.000 qui ne pourront voter qu'en mettant à jour leurs cotisations.

Un vote clair

Deuxième dans les sondages et orpheline des ses « adhérents à 20€ » qui s'étaient joyeusement engagés pour la porter jusqu'à l'Elysée, Ségolène Royal mise sur des considérations plus pratiques qu'idéologiques. Pour sa rénovation du Parti, elle compte « rendre le PS ouvert et accueillant » et s'engage à baisser le prix de la cotisation à un « niveau modique ».

De son côté, François Hollande, premier secrétaire du PS depuis 11 ans et soutien de Bertrand Delanöe, enjoint les militants à un vote clair : « Pour que le Congrès soit limpide, une motion doit nettement se détacher et un vainqueur être proclamé. » Il tente ainsi de contrecarrer l'ombre de l'abstention et du désintérêt des adhérents après les incessantes querelles du Parti et l'omniprésence médiatique de l'élection présidentielle américaine.

Martine Aubry, elle, indique sa confiance : « Je crois en la clairvoyance des militants. Ils ont, eux aussi, souffert de nos échecs des vingt dernières années. » Ces militants réunis dans plus de 3.000 fédérations sont appelés aux urnes. De ce vote découlera le nombre de délégués envoyés à Reims pour assister au Congrès. Si une motion récolte plus de 45% des voix, la fédération enverra à Reims 45% des délégués locaux ayant soutenu cette motion.

Définir une ligne politique

Lors du Congrès, l'ensemble des responsables du Parti socialiste et des délégués départageront les motions par un deuxième vote. En s'appuyant sur les motions, les participants devront définir la ligne politique du Parti pour les trois années de mandats. Entre social-démocratie, socialisme participatif et ancrage affirmé à gauche, les motions proposent un avenir différent pour le PS qui va devoir choisir son camp. Pour sa survie, ses adhérents et son positionnement pour l'élection présidentielle de 2012.

La dernière phase du processus aura lieu les 20 et 21 novembre. Les militants seront à nouveau solicités pour élire le premier secrétaire du Parti. Martine Aubry et Ségolène Royal ne sont d'ailleurs pas officiellement candidates au poste. La première n'a pas démenti sa porte-parole qui a révélé l'envie de la maire de Lille de briguer le siège de premier secrétaire national quand la seconde a affirmé sur TF1 avoir mis « au frigidaire » ses ambitions de candidature. Mais on imagine mal la personnalité menant la motion gagnante laissée passer l'opportunité de marquer de son nom la rénovation du Parti socialiste. Réponse ce soir.

L'Effet Obama n'a pas eu lieu

Bourse. Les places boursières ont connu une période faste avec le résultat de l'élection présidentielle américaine. Mais si les derniers instants de campagnes ont réjouit les différents indices, la joie a été de courte durée.

La Bourse a ses raisons que la raison ne connaît pas. Mardi, boostée par le suspense de l'élection présidentielle et la victoire presque assurée de Barack Obama, la bourse new-yorkaise a vu la vie en rose. Forte hausse pour le Dow Jones qui prenait 3,20% et le Nasdaq qui montait de 3,01%. Le soir, Wall Street ferme en hausse, comme un signe précursseur de la liesse qui allait emporter les Etats-Unis dans la nuit après l'officialisation de l'élection du candidat démocrate. Pourtant, dès le lendemain, l'effet du changement retombe et les bourses font grises mines. Le Dow Jones perd 5,05% à 9139,27 points et le Nasdaq Composite 5,53% à 1681,64 points.

Mercredi, Wall Street passe dans le rouge et entraîne avec elle les bourses mondiales. Tokyo chute de plus de 7% : le Nikkei qui avait bondi de 11% au cours des deux dernières séances retombe tout à coup à quelques minutes de la clôture. De son côté, Paris subit aussi le retour de bâton. On note qu'ArcelorMittal dévisse de 9,39%, EADS de 5,26% ou Alstom de 5,29%. Au sein des bourses, l'effet Obama ressemblerait plus à une onde de choc négative.

Attendre le 20 janvier


Dans les faits, les experts n'attendaient pas de regain de vitalité le jour de l'élection et ont plutôt été étonnés par cet éphémère état de grâce. Dans tous les domaines, l'espoir engendré par l'élection de Barack Obama reste encore du domaine de l'utopie. Il faudra attendre le 20 janvier et l'entrée du nouveau président à la Maison Blanche pour que de nouvelles propositions viennent attiser la confiance des marchés. A ce moment-là, l'effet Obama aura peut-être lieu mais la conjoncture économique mondiale ne laisse pas beaucoup de latitude à l'homme du changement.

Les traders américains, majoritairement républicains, restent neutres face au cours fluctuant des bourses ces derniers jours. Les trois derniers mois ont été catastrophiques et personne ne s'attend à ce qu'un événement, même historique, transforme la donne en une nuit.

Vers un nouveau capitalisme ?

Le krach boursier a eu lieu. Pour les économistes, le monde entre maintenant dans l’après-krach qui se révèle être aussi tendu que l’avant. Dans cette seconde phase de la crise, il est de bon ton de s’interroger sur les causes du désastre et d’en tirer des leçons. La spéculation, qui va de paire avec un capitalisme ultralibéral, est sévèrement montrée du doigt. Face à l’opacité des méthodes dans les paradis fiscaux et les activités off-shore, la moralisation du capitalisme a du souci à se faire. L’économiste Mathieu Plane ironise : « A part en faisant couler les Caïmans, je ne vois pas comment mettre un terme à la bulle spéculative ».

Alors, on passe par la case « départ » sans toucher 2000€ et on repart comme en 40 ?

Du côté des États-Unis, cette perspective ne semble pas choquer les apôtres du tout-libéral mais l’Union européenne, forte du succès de son plan de sauvetage, a décidé de ne rien laisser passer. Lors du sommet de Bruxelles du 15 et 16 octobre, les membres de l’Union européenne ont appelé de leurs vœux un sommet mondial en novembre pour reconstruire le système financier. Nicolas Sarkozy, président de l’Union européenne jusqu’à fin décembre, veut se battre pour que « ce sommet se traduise par des décisions concrètes et pas simplement par des principes. »

A occasion exceptionnelle, retournement exceptionnel, Nicolas Sarkozy revêt avec volontarisme le costume du pourfendeur du capitalisme à tout-va. Fin septembre, à Toulon, il disait : « Le marché qui a toujours raison, c’est fini. » Vendredi, en déplacement à Québec pour un sommet Canada/UE et un sommet sur la francophonie, Nicolas Sarkozy a expliqué son propos : « Ma conviction, c’est que cette crise financière n’est pas la crise du capitalisme, ni celle de l’économie de marché. C’est au contraire la crise d’un système qui s’est éloigné des valeurs les plus fondamentales du capitalisme. » La transparence semble être le maître-mot. Encore faut-il avoir les moyens d’imposer cette nouvelle réglementation.

Le renouveau pourrait donc venir d’une reformulation des statuts de Fonds monétaire internationale (FMI). Pour Mathieu Plane, « si Dominique Strauss-Kahn arrive à faire évoluer les mentalités, le Fonds monétaire international pourrait devenir une institution internationale de régulation. On a besoin d’un œil partout. On a besoin de gérer les crises avant qu’elles arrivent et non après la tempête. »

Quelques jours après son élection au poste de directeur général du FMI en novembre 2007, Dominique Strauss-Kahn plaidait déjà pour cette évolution : « Le FMI ne peux plus se contenter d’être un gendarme qui prête de l’argent, il doit avoir une vision globale de sa mission. » Face à la crise internationale, les propos de DSK sont encore plus légitimes. Interrogé dernièrement, il réaffirme que « la finance doit être contrôlée. » « Nous sommes prêts à le faire si on nous en donne le mandat. Nous sommes dans notre rôle, et je le revendique. » L’assemblée générale qui s’est tenu ce week-end à New-York a permis de mettre en débat cette évolution entre les ministres des Finances des 185 pays membres.

Si la « moralisation du système » est entérinée, le capitalisme version 2009 pourrait être contrôlé, plus « moral » et plus à l’écoute de la population qui en a ras-le-bol de payer les pots cassés de la spéculation.

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L'Esprit européen fortifié par la crise

Samedi 12 octobre restera inscrite dans les tablettes comme une date historique pour l’Union européenne (UE). Il aura fallu une crise d’ampleur mondiale pour que les acteurs européens se décident enfin à coopérer, à consommer pleinement l’union qui les unit. La gestion de cette crise prouve que les membres de l’UE sont capables de penser une solution globale faisant table rase des exceptions nationales et mettant en avant les intérêts européens. Et tout cela en un temps record.

Plus rapide que Bush, plus efficace que Paulson, l’Union européenne est presque instantanément suivie par les Etats-Unis dans la démarche de sauvetage des banques et dans l’assurance des crédits. Ce retournement de situation montre que l’Union européenne est une puissance mondiale avec un impact non négligeable.

L’Union européenne semble s’assumer pleinement et cela laisse présager d’un avenir brillant. On peut espérer que cela mènera à plus d’union même sur des sujets qui semblent impossibles à l’heure actuelle comme la fiscalité et la politique.

Outre l’accord sur un plan commun, les membres de l’Union européenne ont aussi décidé de fermer les yeux sur le déficit de la dette publique des pays membres. S’inquiéter d’être à moins de 3% de déficit public alors qu’il y a une crise mondiale tiendrait du gag mais il fallait tout de même une puissante poussée d’idéologie nouvelle pour mettre de côté un des termes fondamentaux du traité de Maastricht. C’est une avancée historique qui marque peut être la sortie d’un carcan économique archaïque. Le renouveau de l’Union passe par une révision du traité de Maastricht qui ne prend pas en compte les nouvelles perspectives de l’Union.

Pendant le sommet des 27 à Bruxelles, du 15 et 16 octobre, les pays de l’UE ont annoncé qu’ils prendraient les « mesures nécessaires pour soutenir la croissance et l’emploi » face à la récession qui s’annonce. Pas de plan généralisé mais une réflexion commune pour rendre les pays de l’Union européenne plus forts face aux intempéries.

A suivre : Vers un nouveau capitalisme ?
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Crise, Acte II

Alors que s’étalent quotidiennement, dans les médias, les indices boursiers, la crise vient de prendre un tournant significatif. Maintenant, la crise est dite économique et s’immisce dans la vie quotidienne. Entreprises, particuliers… chacun va payer une partie de l’addition de la dérive du capitalisme libéral.

Non, la crise n'est pas finie. Le plan de sauvetage mis en place par l'Eurogroupe a rassuré les places financières pendant deux jours puis tout c'est à nouveau écroulé. Mercredi dernier, alors que les partenaires européens se retrouvent à Bruxelles, les indices boursiers passent fièvrement dans le rouge. On arrête les félicitations et on se remet au travail. La crise n'est pas passée, la crise va durer.

Alors à quoi sert ce plan de sauvetage habilement dirigé par Nicolas Sarkozy sous l'influence du premier ministre britannique, Gordon Brown ? A rétablir la confiance. La bourse, finalement, c'est une affaire de confiance et quand les banques se font timides et refusent de se prêter des fonds, on coure à la catastrophe. Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques dans le département analyse et prévision, explique : « Depuis quelques temps, les banques ne se prêtent plus d'argent car elles ne connaissent par leurs état de santé mutuels. Personne ne veut prêter de l'argent sans l'assurance d'être remboursé un jour. »

L’Etat rassure les banques


Et si vous demandez l’état de santé d’une banque à un ministre des Finances d’un pays voisin, il vous mentira. « Et c'est normal, c'est la seule façon d'éviter une panique ». Une manière de dire que la rupture est consommée. C’est à ce moment-là que le plan de sauvetage intervient en créant une « société de refinancement dont l’Etat détiendra 34% du capital ». Cette structure empruntera des fonds avec la garantie de l’Etat pour les prêter aux banques en manque de financement. Plus simplement, l’Etat assure à une banque A que si elle prête de l’argent à une banque B qui fait faillite, l’Etat remboursera son prêt à la première banque.

Ce premier point du plan de sauvetage permet de rassurer les banques et donc de fluidifier les connexions interbancaires. « En enlevant l'aspect psychologique crispé en filigrane derrière la crise, les banques sont plus confiantes et ne feront pas faillites » continue Mathieu Plane. « Ce plan et les fonds débloqués sont des assurances. D'ailleurs, l'argent promis ne sera probablement jamais utilisé car les banques françaises sont plutôt saines. »

Ceci explique cela. On comprend mieux les propos de François Fillon qui a affirmé, mercredi dernier, sur RTL, que le plan n'aura pas de « coût pour le contribuable ». Les caisses étant vides – on nous l'a suffisamment répété – on était en droit de se demander de quel chapeau l'Etat Français sortait l'argent nécessaire au plan. En faisant nos calculs, 320 milliards d'euros pour une caisse de refinancement additionnés à 40 milliards pour racheter des actions de banques en difficulté, l'addition paraissait salée. En fait, elle est partiellement virtuelle.

La première enveloppe est un garde-fou pour une situation jusqu’au-boutiste alors que les 40 milliards d’euros destinés aux banques vont certainement servir. « Ils pourront être investis par l’Etat en achetant des actions du capital d’une banque afin de restaurer sa stabilité. » Si tout se passe bien, ces prêts ne pèseront pas sur la tête du contribuable car « l’État ne fait pas une opération gratuite et prête en vu d’un remboursement. » A terme, la recapitalisation d’une banque pourrait même être une opération intéressante pour l’Etat. « Pendant la crise, l’Etat intervient en pompier, achète à un taux avantageux (4%) et sauve les meubles. La crise terminée, on peut même imaginer que l’Etat revende ses parts à un taux plus avantageux et dégage une plus-value. » analyse Mathieu Plane. Avec un peu d’optimisme, le plan de sauvetage européen semble tenir la route pourtant, les résultats de la bourse font toujours le yo-yo. Face à la dégradation de la situation, les experts s’accordent sur le fait que la crise n’a pas été gérée suffisamment tôt et on parle déjà de contamination.

« Credit crunch »

Bien que le krach boursier soit « sous contrôle », le mécanisme financier vient de se transmettre sur l'économie réelle. On passe du virtuel au réel. Des courbes de la Bourse au panier de la ménagère. Dans la froide réalité, la crise économique ne fait que commencer. Grâce au plan, les banques sont moins frileuses à se prêter de l'argent entre elles mais lorsqu’il s'agit de prêter aux entreprises et aux particuliers, elles deviennent très regardantes. Mathieu Plane confirme : « Les banques ne peuvent plus assurer leur rôle de financement et restreignent les crédits. Les banques n'ont tout simplement plus les moyens de prêter. Si elles les avaient, les banques prêteraient car les prêts rapportent de l'argent. »

En présentant le plan de sauvetage, Nicolas Sarkozy a mis l’accent sur des contreparties éthiques. Mathieu Plane s’amuse de la naïveté du chef d’Etat français qui veut inciter les banques à prêter aux entreprises et aux particuliers : « Les banques sont des entreprises privées. On peut les conseiller mais on ne peut pas les obliger. Les bilans des banques sont dégradés, elles vont d’abord se focaliser sur leur santé et leur solvabilité pour rester compétitives. Si Sarkozy veut tant contrôler les banques, il n’a qu’à tout nationaliser. »

Les premières victimes de ce resserrement du crédit, « credit crunch », sont les entreprises. En particulier les petites structures. « Sans les crédits, les entreprises qui ont du mal à terminer le mois vous forcément faire faillite. » Le cercle vicieux s’accélère à ce moment précis. Les faillites d’entreprises ou les réductions de budgets entraînent une destruction d’emploi suivie d’une baisse de la consommation des ménages, le tout se répercutant sur la croissance. Qui faiblit jusqu’à afficher des valeurs négatives. Les mauvais chiffres de l’économie se reflètent ensuite sur la bourse. Qui dévisse.

Récession, j'écris ton nom

« Les Etats-Unis se dirigent vers une grave récession » : la première analyse de Paul Krugman après avoir reçu le Prix Nobel d’économie 2008 est remarquée. Franc, presque dramatique, il ose lâcher le mot tabou qu’on n’ose pas prononcer dans le milieu politique. La récession est là, imminente, et elle affole en retour les marchés. Le krach cru 2008 est passé, encore faut-il gérer la crise économique qui prend une allure mondiale.

Mercredi, la bourse de New York a connu sa pire journée depuis 20 ans. Le lendemain, des indicateurs macroéconomiques sont venus étayer les craintes de récession aux Etats-Unis. La baisse de 2,8% de la production industrielle en septembre et la chute de l’indice de la Fed de Philadelphia ont alimenté un coup de chaud sur les marchés. Le soir même, après une chute vertigineuse, Wall Street subit un brusque rebond et termine en hausse.

De son côté, Paris ferme ses portes, jeudi soir, avec une perte de 5,92%. On estime que les pertes cumulées de mercredi et jeudi équivalent aux gains additionnés de lundi et mardi. Les sourires du début de semaine dernière semblent presque irréels. Les indices boursiers n’ont jamais été si fluctuants, les pays n’ont jamais été aussi instables.

Mathieu Plane passe rapidement en revu l’état de la France : « On ressent la récession dans les résultats de la croissance : les deux derniers trimestres ont été négatifs et la prévision pour le troisième prend le même chemin. Comme le pays crée moins de richesses, cela détruit forcément des emplois et fait baisser le pouvoir d'achat. De plus, comme la récession est un phénomène mondial, cela joue sur le commerce extérieur. Les pays étrangers consomment moins de produits français et freinent donc l'activité. » Le système est sclérosé. La France n’a même pas d’économie de côté pour tenter une relance. Alors on ressort les bouts de ficelles et on bricole un abri pour passer l’hiver.

« Limiter la casse »


« Ces emplois subventionnés qui ne peuvent intervenir que dans le secteur non-marchand, c’est un moyen, pour l’État, de limiter la casse. » L’année 2009 sera noire, plus personne ne peut enrayer la machine. Le FMI prévoit seulement 3% de croissance en 2009 contre 3,9% en 2008 ou 5,1% en 2006. Les Etats-Unis devraient connaître une croissance de 0,5% en 2009 après 1,5% cette année quand la France plafonnera à 0,2% voire 0%.

Toujours à cheval sur plusieurs sujets, Nicolas Sarkozy veut gérer la crise française, décrocher un plan européen de relance de l’économie, continuer ses réformes structurelles et mettre en place un nouveau capitalisme. Il a sauvé les banques, il s’attache maintenant à l’économie française et plus particulièrement à l’industrie automobile qui a déjà annoncé des plans de licenciement drastiques. Mais finalement, cette crise nous allons la vivre ensemble. La crise s’installe dans tous les foyers et il ne reste plus qu’à travailler et attendre qu’elle daigne lever le camp.

A suivre:
- L'Esprit européen fortifié par la crise
- Vers un nouveau capitalisme ?

L'Union européenne s'accorde sur un "Barcelone Plus" (encadré)

Les pays du Sud de la Méditerranée partenaires du
projet :

Maroc, Mauritanie, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Autorité Palestinienne, Israël, Liban, Syrie, Jordanie, Turquie.

Quelques chiffres :
- Entre 2000 et 2006, l’Union européenne a alloué environ 5 milliards d’euros au Sud et 50 milliards à l’Est.
- Les Etats-Unis font 20% de leurs investissements directs dans leur « Sud » quand l’Union européenne n’en fait que 2%.

Indiscret ( L’Express) :
Mare Nostrum : De passage à Paris, la ministre bulgare des Affaires européennes, Gergana Grantcharova, a plaidé afin que le projet d’union pour la Méditérranée, lancé par Nicolas Sarkozy et encadré par Angela Merkel, soit élargi à... la mer Noire.

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L'Union européenne s'accorde sur un "Barcelone Plus"

mercredi 2 décembre 2009

L'Union européenne s'accorde sur un "Barcelone Plus"

L’Union méditerranéene sohaitée par Nicolas Sarkozy dicise l’Union européenne. Après plusieurs mois de négociations tendues, les Etats membres adaptent le projet pour qu’il prenne la suite du processus de Barcelone.

« Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée pour leur dire que c'est en Méditerrannée que tout se joue, et que nous devons surmonter toutes les haines pour laisser la place à un grand rêve de paix et de civilisation. Je veux leur dire que le temps est venu de bâtir ensemble une Union méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique » déclare Nicolas Sarkozy, le 6 mai, lors de son discours de victoire à l'élection présidentielle. Dix mois plus tard, le président de la République française doit revoir sa copie pour s'adapter aux inquiétudes de l'Union européenne.

Dans son projet originel, Nicolas Sarkozy invite les pays du pourtour méditerranéen à construire une union particulière. Il imagine des liens privilégiés entre la France, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Chypre, Malte, la Turquie, le Liban, Israël, l'Egypte, la Libye, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. Lors de réunions régulières, ces pays se retrouveraient en conseil sous l'égide d'une présidence tournante. En octobre 2007, au cours de sa première visite officielle au Maroc, Nicolas Sarkozy développe son idée dans un discours à Tanger. Il déclare vouloir « jeter les bases d'une union politique, économique, culturelle, fondée sur le principe d'égalité stricte entre les nations d'une même mer ». Et n'inclue les pays de l'Union européenne non-méditerranéen qu'en qualité d' « observateurs ».

Début décembre, lors du sommet France-Allemagne, Angela Merkel fait part de ses préoccupations. La chancellière allemande voit d’un mauvais oeil la mise en place d’une nouvelle union, concurrente de l’Union européenne, pouvant mener à des divisions au sein de cette dernière. L’Allemagne reconnaît le grand écart entre le développement du Nord et du Sud mais refuse la superposition avec des mécanismes de coopération existant déjà au sein de l’Union européenne via le processus de Barcelone. Depuis 1995, ce traité lie, économiquement et culturellement, les 27 pays membres de l’Union européenne à 11 pays du Sud méditerranéen.

Les premières concessions

Outre l’Allemagne qui se sent exclue du projet, d’autres pays européens font part de leur scepticisme. « Nous n’avons pas besoin de duplication, ou d’institutions concurrençant les institutions de l’Union européenne » déclare le premier ministre slovène, Janez Jansa, dont le pays préside l’Union européenne jusqu’en juin. La Grande-Bretagne et les pays nordiques « ne sont pas très contents du projet » et la Grèce ou la Slovaquie se disent encore réservées. La Turquie, de son côté, demande à être rassurée avant d’accepter le projet. Le 20 décembre, la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal prononcent l’appel de Rome qui stipule, entre autres, que la mise en place de l’Union pour la Méditerranée n’interférera pas avec les négociations d’adhésion à l’Union européenne. Malgré cela, le doute subsiste pour beaucoup. Le projet d’Union pour la Méditerranée ressemble tout de même à un compromis visant à satisfaire la Turquie sans l’intégrer dans l’Union européenne.

Lors de cette réunion, Nicolas Sarkozy accepte les premières concessions sur son projet. Tout d’abord, la sémantique change. L’Union méditerranéenne (UM) devient l’Union pour la Méditerranée (UPM) et ouvre ainsi la porte à la participation de pays non riverains. Ensuite, l’appel de Rome met en avant un changement de mentalité dans le rapport avec les pays du Sud en passant de l’intégration à la coopération. Il est alors affirmé la nécessité de discuter avec les partenaires euro-méditerranéens sur un « pied d’égalité » et de « transformer des relations essentiellement verticales en relations horizontales et équilibrées».

Quelques mois plus tard, les tensions avec Berlin ne se sont toujours pas dissipées au point que le sommet trimestriel franco-allemand est reporté à juin pour cause officielle de problèmes d'emploi du temps. Les deux dirigeants se rencontrent tout de même brièvement, le 3 mars, après l'ouverture de l'exposition internationale des hautes technologies de Hanovre. Ils règlent alors leurs divergences et trouvent un compromis. Nicolas Sarkozy accepte de faire « converger » le projet initial et le processus de Barcelone. Il déclare : « l’Union pour la Méditerranée se fera » et « ce sera un projet européen ». Les 27 pays membres de l’Union européenne traiteront donc avec 12 pays du Sud de la Méditerranée.

« Barcelone Plus »

Avec ce consensus franco-allemand, l'Union pour la Méditerrannée se substitue tout bonnement au processus de Barcelone. On parle déjà d’un « Barcelone Plus », d’une « revitalisation » d’un système en échec et non plus d’une initiative novatrice. Douze ans après le lancement du processus de Barcelone, le bilan est mitigé : la sécurité n’a pas évolué, le commerce entre les états du Sud reste faible et les conditions d’attribution d’aides monétaires sont souvent assimilées à des tentatives d’ingérence de l’Union européenne. Le manque de moyen et de structures est souvent avancé pour expliquer l’échec de ce processus qui se résume maintenant à 70% d’aides budgétaires et peu de projets notables.

Pour relancer la machine de Barcelone, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s’accordent sur des structures démocratiques légères. L’Union pour la Méditerranée sera coprésidée pour deux ans par un président de la rive Nord et un président de la rive Sud. Dans un permier temps, le président de la rive Nord sera issu d’un pays riverain. L’Union sera dotée d’un secrétariat chargé de coordonner les projets et codirigé par un directeur du Nord et un du Sud. La vingtaine de membres constituant le secrétariat sera choisi parmi tous les pays de la nouvelle union en respectant une égalité du nombre entre le Nord et le Sud. Un représentant de la Commission européenne sera obligatoirement l’un des membres sélectionné par le Nord. L’institution européenne fera partie de la structure mais ne la pilotera plus comme c’était le cas dans le processus de Barcelone. Les chefs d’Etats et de gouvernement se réuniront tous les deux ans en sommet afin de faire de la point sur l’avancement des projets et prendre ensemble les décisions qui conviennent pour faire fonctionner les relations euro-méditerranéennes.

Côté financement, la nouvelle union voit large. Les projets bénéficieront des banques régionales de développement (Banque africaine de développement ou Banque européenne d’investissement, BEI), des institutions internationales (Banque mondiale), des fonds arabes des pays du Golf, des agences de coopération des différents pays (Agence française de développement, AFD). La BEI s’est d’ailleurs déjà prête à investir 8 milliards d’euros dans les projets de l’Union pour la Méditerranée. Le secteur privé sera aussi solicité ainsi que les fonds européens mais ceux-ci ne pourront être engagés dans le projet que sur l’accord unanime des 27 états membres.

« Nous la soutenons pleinement »

Le couple franco-allemand est à nouveau au diapason même si Berlin sort plus fort des négociations en ayant obtenu gain de cause. Les 13 et 14 mars, pendant le sommet européen à Bruxelles, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel annoncent ensemble les grandes lignes du projets. La Commission européenne, rassurée par les arrangements négociés par la chancellière allemande, donne son accord au projet. « En ce qui concerne l'Union méditerranéenne, nous la soutenons pleinement », a déclaré son président, José Manuel Barroso. « Il semble que toutes les conditions sont maintenant réunies pour aller de l'avant », a-t-il ajouté en soulignant qu'il restait « des aspects institutionnels » à débattre. Les chefs d’Etats et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne se sont, au fur et à mesure, ralliés à ce « nouvel élan » qui corrige une faiblesse européenne plutôt que d’investir dans un tout nouveau projet.

Les conflits israélo-palestinien, syro-libanais, le différend du Sarah occidental entre le Maroc et l'Algérie, les hostilités entre la Turquie et Chypre ou entre la Serbie et le Kosovo minent depuis longtemps le terrain de négociation. Ces difficultés inhérentes au projet, l’Union pour la Méditerranée espère les estomper en se concentrant sur des projets concrets comme la dépollution de la mer Méditerranée. D’ici 2020, l’Union pour la Méditerranée va s’appliquer à réhabiliter les 130 sites sales répertoriés sur le pourtour méditerranéen. D’autres projets sont déjà à l’étude : améliorer l’accès à l’eau dans l’ensemble de la zone, créer une agence méditerranéenne de développement des PME, mettre en place une structure de protection civile (avec mutualisation des moyens d’informations), développer les échanges commerciaux par la création d’autoroutes maritimes, mettre en réseau les pôles scientifiques et étendre l’utilisation de l’énergie solaire. La réflexion va pouvoir commencer afin de présenter des projets constructifs, le 13 juillet, lors du premier sommet.

« Un grand enthousiasme »

Nicolas Sarkozy n’a pas eu de peine à convaincre ses partenaires européens, « le projet a obtenu un vaste soutien » des chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne, a indiqué le Premier ministre slovène Janez Jansa. Lors d’un point presse, le président de la République française s’est félicité du feu vert de l’Union européenne : « La décision a été prise ce soir à l'unanimité, avec un grand enthousiasme. »

Après tant de scepticisme et de discussions, l’Union pour la Méditerranée semble approuvée par une majorité de pays européens mais pourtant rien ne peut affirmer que cette coopération verra le jour.

Les obstacles sont encore nombreux et les transformations imposées par l’Union européenne ont affaibli le projet qui est déjà affublé, internationalement, du nom de « Club Med ». Maitenant que les 27 pays membres de l’Union européenne ont réglé leur différend, une longue période de discussion commence. Entre les partenaires européennes mais aussi avec les pays du Sud de la Méditerranée à qui l’on a promis une diplomatie sur un « pied d’égalité » mais qui n’ont, pour l’instant, pas vraiment été consultés.

En savoir plus :
Les pays du Sud de la Méditerranée partenaires du projets, quelques chiffres et un indiscret