mercredi 2 décembre 2009

Sarko-Business

Avec son Karchër, sa vie privée mouvementée, son ambition démesurée et ses lubies passagères (anti-Mai 68, Guy Môquet, Carla Bruni), Nicolas Sarkozy a toujours été un bon client pour la caricature. Mais depuis son élection, la réflexion politico-rigolote est devenu un sport national. Succès à la clé.

Nicolas Sarkozy remporte un franc succès. Pas dans les sondages d’opinions malgré ses incessants faits d’annonces mais dans un registre plus inattendu : l’humour. Dessinateurs, chansonniers, humoristes, chanteurs, confirmés ou amateurs, tous prennent part à la sarkomania. Attitude compulsive qui se caractérise par une irrésistible envie de ricaner des aventures du président.

Avec l’arrivée de Sarkozy à la tête de la France, ce n’est pas seulement la vraie droite qui s’est installée, c’est aussi un nouveau style fait de Ray-Ban, de charrette de journalistes et d’amicales embrassades avec tous les grands (méchants ?) de ce monde. Et tout ça, en courant. Quite à faire n’importe quoi autant ne pas perdre de temps.

Gentlemen polissons

Dans la France de Sarkozy, il y a un événement à la minute. Rien de bien crucial mais toujours de quoi alimenter le moulin des humoristes. Avec leur spectacle « Sarkozix le Gaulois », les chansonniers du Théâtre des 2 ânes que l’on croyait aux oubliettes redeviennent les commentateurs insolents de la politique. Gentlemen polissons accompagnés de lady Ségolène, Jean Amadou, Michel Guidoni et Bernard Mabille, pour n’en que citer que quelques uns, nous offrent une palette de sketchs mélangeant actualité et regard sur la société française. Fini le one man show identique étiré sur mille représentations, le public veut du neuf, et retrouve le chemin du théâtre.

Ancien compagnon de rire de Thierry Le Luron, Bernard Mabille décrypte les infos avec un oeil avisé afin décrire ses sketchs pour la scène : « Je suis constamment à l’écoute de France Info donc je suis très rapidement au courant des nouvelles. Mais pour parler d’un événement, en général, j’attends deux-trois jours afin que le public ait le temps d’assimiler l’information. Il ne faut pas oublier que l’on a un public populaire qui ne vit pas forcément au rythme de l’actu. On reste accessible à tous. Mais par exemple une histoire comme celle de la Société générale, c’est tellement gros que tout le monde en a entendu parler dans la journée et que le soir j’ai pu attaquer sur ça. »

Assis dans sa loge rouge, quelques minutes avant de rentrer sur scène, Bernard Mabille est détendu et confirme le regain d’intérêt pour le genre : « À l’heure actuelle, c’est complet trois semaines à l’avance. C’est un vrai plaisir. Tout ça, c’est évidemment grâce à Nicolas Sarkozy et on se demande entre nous de quoi on parlera s’il décide un jour de se taire. D’un point de vue purement humoristique on espère qu’il va continuer au même rythme ! » Des moments de critiques politiques, il en a connu du temps de Le Luron et « ça tapait autrement plus fort ». Pour Bernard Mabille, l’époque Sarkozy est différente : « Je vais souvent me balader dans les cafés et je laisse traîner mes oreilles. Depuis l’élection présidentielle, Sarkozy est au milieu de toutes les discussions. C’est vrai qu’après la politique endormie de Jacques Chirac et Bernadette, ça réveille ! » En partant du constat que les Français ont élu Nicolas Sarkozy comme premier sujet de conversation entre amis et piliers de bar, Bernard Mabille et Anne Roumanoff co-écrivent depuis la rentrée des sketchs Radio bistrot pour l’émission Vivement dimanche sur France 2.

Buzz assuré

Anne Roumanoff a imaginé le Radio bistrot, « seul média libre et indépendant de France », pour conclure son spectacle « Anne a 20 ans ». Après avoir caricaturé les femmes, les jeunes, ou les victimes de restructuration d'entreprises, elle se lance dans la critique politique mordante et franchouillarde. Dans une interview sur son site officiel, elle raconte avoir « commencé à traiter de l'actualité au moment de la guerre en Irak. » L'année politique française 2007 l'a définitivement persuadé : « J'ai inventé un pilier de bistrot assez alcoolisé qui commente l'actualité sans complexe. J'ai pris beaucoup de plaisir à cet exercice au moment de la présidentielle et je compte bien continuer à commenter les faits et gestes du nouveau gouvernement ! » L’humoriste en rouge et noir est depuis la rentrée chroniqueuse « politique » chez Michel Druker et en taclant Sarkozy le 6 janvier elle crée un buzz inattendu. « Ca y est, notre président s'est accouplé » lance-t-elle devant un public peu habitué à de telles cocasseries. La suite ne le décevra pas non plus. Anne Roumanoff s’amuse devant 3 millions personnes. Carla Bruni, Disney et les ministres fayots, tout y passe, bien enrobé dans la paranoïa du citoyen accoudé au comptoir, « On ne nous dit pas tout… » Quatre semaines plus tard, la vidéo a été vue par 3,5 millions d’Internautes.

Buzz du début de l’année, le Radio bistrot renvoie autant à nos conversations futiles qu’à notre intérêt inavoué pour la vie privée du président. Mais c’est aussi le constat que rire du président est la meilleure manière ces temps-ci de s’assurer le succès. Cela en dit aussi long sur l’opinion des Français quand il s’agit de leur nouveau président... Bernard Mabille termine en quelques mots avant d’ouvrir la porte qui le mène aux planches : « Le séjour de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à Disneyland c’est un coup magnifique qui en dit beaucoup sur la personnalité de notre président. C’est tout sauf un intello, il a une culture télévisuelle, superficielle. Il se prend pour le gagnant de la Star Ac’. Alors oui, c’est facile de rire de lui. »

Encadré :
Puisque Sarkozy a bien été capable de faire quatre fois le tour du monde depuis son élection, un dessinateur a, lui aussi, décidé de battre un record : produire une bande dessinée complète en seulement trois semaines. Avec Conte de fées à l’Elysée, Jul de Charlie Hebdo renvoie l’industrie du livre dans les buts.
Alors oui, peut être, que c’est un peu périssable mais c’est tout de même d’une nouveauté radicale que de lire une bande dessinée qui s’amuse des événements des semaines dernières et fantasme sur ceux du mois à venir. Avec cette initiative, Jul casse les codes, colle aux basques de l’actualité et va enfin pouvoir s’accorder une vraie nuit.
L’actualité ayant pris un nouveau sens avec Sarkozy, les commentateurs ont suivi. La plume doit gratter aussi vite que les petits pas pressés de l'omniprésident.

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