jeudi 3 décembre 2009

Les empreintes digitales ne trompent jamais

Accusé de vivre illégalement en France et d'essayer d'échapper à l'expulsion, un homme d'origine chinois passe en comparution immédiate devant la 23ème chambre correctionnelle.

Tête baissée, regard vide, un homme d'origine chinoise attend patiemment depuis plus d'une heure que son cas soit étudié par la 23ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris. Son interprète, après moult aller-retour, vient se placer devant lui et promet de respecter le code déontologique. Le président raconte l'histoire de cet homme arrivé en France il y a 10 ans, après avoir quitté femme et enfant en Chine. En 2001, il a été condamné à 6 ans d'emprisonnement et une reconduite à la frontière par la 16ème chambre. Aujourd'hui, lundi 21 avril, il est accusé d'avoir pénétré illégalement en France et de s'être soustrait à une procédure d'expulsion.

L'avocat, bedonnant et assuré, attaque sur la nullité du procès. Il défend le vice de procédure car l'interprète présent au commissariat ne parlait pas le même dialecte. « Un de mes amis, professeur de chinois, m'expliquait qu'il y a 48 langues en Chine. Pour lui, le discours de l'interprète n'était que du charabia. » En vertu du code pénal, il demande la relaxe pour procédure nulle. Le procureur prend la parole et refuse d'appliquer cette exception à l'affaire en cours. Il embraye ensuite sur les fréquents changements d'identité du prévenu. Le prévenu aurait été interpellé en 1995 et en 2001 sous deux autres noms. Dans son box, le prévenu secoue la tête et l'interprète traduit « ce n'était pas moi ». Quand le président lui demande pourquoi il n'a pas respecté les précédentes peines, le prévenu répond via son interprète : « Je connaissais ma condamnation mais je ne savais pas que je devais quitter le territoire français. » La ligne de défense n'est pas bien claire.

« Il ne retrouve pas son français, votre client ? »

Après avoir interrogé le prévenu, le président fait la lecture de l'examen de personnalité en insistant sur le fait qu'il a été « effectué en français et en chinois ». Le prévenu avance alors des problèmes psychiatriques. Le président relève la tête, surpris : « Ah bon ? Parce que pendant l'enquête de personnalité vous avez seulement mentionné des problèmes de dos. » Soupçonneux, le président tente de rencontrer le regard du prévenu et de lui soutirer quelques mots en français. En vain. L'interprète ne cesse de traduire.

Lors de son temps de parole, l'avocat remet en cause le parallèle entre les deux identités. Il met en avant la différence entre les empreintes palmaires et essaye d'attribuer les 6 ans de prison à une autre personne. Ses petits pas et sa démonstration alambiquée n’emportent pas vraiment l'adhésion du tribunal.

Dans son réquisitoire, le procureur demande directement à l'avocat de ne pas nier l'évidence. « Ces deux identités renvoient au même individu, une personne bien ancrée dans la délinquance, l'utilisation d'alias et sans papier. » Et il requiert une interdiction définitive du territoire français et une peine d'au moins 8 mois avec mandat de dépôt.

Exaspération


Dans sa plaidoirie, débordant d'orgueil procédurier, l'avocat revient à nouveau sur le rapport d'empreintes. « Le tribunal a bien compris, vous savez », s'impatiente le président alors que l'avocat entreprend de retrouver un dossier. Tout en compulsant ses notes, l'avocat ironise sur le système de comparution immédiate. Exaspéré, le président renvoie l'avocat à son incapacité : « c'est pourtant très clair, c'est même post-ité. » Et d'ajouter avec tact : « Vous savez, Maitre, quand on a les empreintes digitales, on n'a pas besoin des empreintes palmaires car même des jumeaux monozygotes, depuis que le monde est monde, on des empreintes différentes. »

Sévèrement rabroué, l'avocat termine sa plaidoirie en demande l'annulation de la procédure ou la liberté pour le bien-être du fils du prévenu.

Quelques heures plus tard, le verdict tombe. Condamnation à 6 mois ferme, mise en détention et rejet des conclusions de nullité, le prévenu repart en prison. Et l'avocat repart avec ses empreintes palmaires.

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