jeudi 3 décembre 2009

Crise, Acte II

Alors que s’étalent quotidiennement, dans les médias, les indices boursiers, la crise vient de prendre un tournant significatif. Maintenant, la crise est dite économique et s’immisce dans la vie quotidienne. Entreprises, particuliers… chacun va payer une partie de l’addition de la dérive du capitalisme libéral.

Non, la crise n'est pas finie. Le plan de sauvetage mis en place par l'Eurogroupe a rassuré les places financières pendant deux jours puis tout c'est à nouveau écroulé. Mercredi dernier, alors que les partenaires européens se retrouvent à Bruxelles, les indices boursiers passent fièvrement dans le rouge. On arrête les félicitations et on se remet au travail. La crise n'est pas passée, la crise va durer.

Alors à quoi sert ce plan de sauvetage habilement dirigé par Nicolas Sarkozy sous l'influence du premier ministre britannique, Gordon Brown ? A rétablir la confiance. La bourse, finalement, c'est une affaire de confiance et quand les banques se font timides et refusent de se prêter des fonds, on coure à la catastrophe. Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques dans le département analyse et prévision, explique : « Depuis quelques temps, les banques ne se prêtent plus d'argent car elles ne connaissent par leurs état de santé mutuels. Personne ne veut prêter de l'argent sans l'assurance d'être remboursé un jour. »

L’Etat rassure les banques


Et si vous demandez l’état de santé d’une banque à un ministre des Finances d’un pays voisin, il vous mentira. « Et c'est normal, c'est la seule façon d'éviter une panique ». Une manière de dire que la rupture est consommée. C’est à ce moment-là que le plan de sauvetage intervient en créant une « société de refinancement dont l’Etat détiendra 34% du capital ». Cette structure empruntera des fonds avec la garantie de l’Etat pour les prêter aux banques en manque de financement. Plus simplement, l’Etat assure à une banque A que si elle prête de l’argent à une banque B qui fait faillite, l’Etat remboursera son prêt à la première banque.

Ce premier point du plan de sauvetage permet de rassurer les banques et donc de fluidifier les connexions interbancaires. « En enlevant l'aspect psychologique crispé en filigrane derrière la crise, les banques sont plus confiantes et ne feront pas faillites » continue Mathieu Plane. « Ce plan et les fonds débloqués sont des assurances. D'ailleurs, l'argent promis ne sera probablement jamais utilisé car les banques françaises sont plutôt saines. »

Ceci explique cela. On comprend mieux les propos de François Fillon qui a affirmé, mercredi dernier, sur RTL, que le plan n'aura pas de « coût pour le contribuable ». Les caisses étant vides – on nous l'a suffisamment répété – on était en droit de se demander de quel chapeau l'Etat Français sortait l'argent nécessaire au plan. En faisant nos calculs, 320 milliards d'euros pour une caisse de refinancement additionnés à 40 milliards pour racheter des actions de banques en difficulté, l'addition paraissait salée. En fait, elle est partiellement virtuelle.

La première enveloppe est un garde-fou pour une situation jusqu’au-boutiste alors que les 40 milliards d’euros destinés aux banques vont certainement servir. « Ils pourront être investis par l’Etat en achetant des actions du capital d’une banque afin de restaurer sa stabilité. » Si tout se passe bien, ces prêts ne pèseront pas sur la tête du contribuable car « l’État ne fait pas une opération gratuite et prête en vu d’un remboursement. » A terme, la recapitalisation d’une banque pourrait même être une opération intéressante pour l’Etat. « Pendant la crise, l’Etat intervient en pompier, achète à un taux avantageux (4%) et sauve les meubles. La crise terminée, on peut même imaginer que l’Etat revende ses parts à un taux plus avantageux et dégage une plus-value. » analyse Mathieu Plane. Avec un peu d’optimisme, le plan de sauvetage européen semble tenir la route pourtant, les résultats de la bourse font toujours le yo-yo. Face à la dégradation de la situation, les experts s’accordent sur le fait que la crise n’a pas été gérée suffisamment tôt et on parle déjà de contamination.

« Credit crunch »

Bien que le krach boursier soit « sous contrôle », le mécanisme financier vient de se transmettre sur l'économie réelle. On passe du virtuel au réel. Des courbes de la Bourse au panier de la ménagère. Dans la froide réalité, la crise économique ne fait que commencer. Grâce au plan, les banques sont moins frileuses à se prêter de l'argent entre elles mais lorsqu’il s'agit de prêter aux entreprises et aux particuliers, elles deviennent très regardantes. Mathieu Plane confirme : « Les banques ne peuvent plus assurer leur rôle de financement et restreignent les crédits. Les banques n'ont tout simplement plus les moyens de prêter. Si elles les avaient, les banques prêteraient car les prêts rapportent de l'argent. »

En présentant le plan de sauvetage, Nicolas Sarkozy a mis l’accent sur des contreparties éthiques. Mathieu Plane s’amuse de la naïveté du chef d’Etat français qui veut inciter les banques à prêter aux entreprises et aux particuliers : « Les banques sont des entreprises privées. On peut les conseiller mais on ne peut pas les obliger. Les bilans des banques sont dégradés, elles vont d’abord se focaliser sur leur santé et leur solvabilité pour rester compétitives. Si Sarkozy veut tant contrôler les banques, il n’a qu’à tout nationaliser. »

Les premières victimes de ce resserrement du crédit, « credit crunch », sont les entreprises. En particulier les petites structures. « Sans les crédits, les entreprises qui ont du mal à terminer le mois vous forcément faire faillite. » Le cercle vicieux s’accélère à ce moment précis. Les faillites d’entreprises ou les réductions de budgets entraînent une destruction d’emploi suivie d’une baisse de la consommation des ménages, le tout se répercutant sur la croissance. Qui faiblit jusqu’à afficher des valeurs négatives. Les mauvais chiffres de l’économie se reflètent ensuite sur la bourse. Qui dévisse.

Récession, j'écris ton nom

« Les Etats-Unis se dirigent vers une grave récession » : la première analyse de Paul Krugman après avoir reçu le Prix Nobel d’économie 2008 est remarquée. Franc, presque dramatique, il ose lâcher le mot tabou qu’on n’ose pas prononcer dans le milieu politique. La récession est là, imminente, et elle affole en retour les marchés. Le krach cru 2008 est passé, encore faut-il gérer la crise économique qui prend une allure mondiale.

Mercredi, la bourse de New York a connu sa pire journée depuis 20 ans. Le lendemain, des indicateurs macroéconomiques sont venus étayer les craintes de récession aux Etats-Unis. La baisse de 2,8% de la production industrielle en septembre et la chute de l’indice de la Fed de Philadelphia ont alimenté un coup de chaud sur les marchés. Le soir même, après une chute vertigineuse, Wall Street subit un brusque rebond et termine en hausse.

De son côté, Paris ferme ses portes, jeudi soir, avec une perte de 5,92%. On estime que les pertes cumulées de mercredi et jeudi équivalent aux gains additionnés de lundi et mardi. Les sourires du début de semaine dernière semblent presque irréels. Les indices boursiers n’ont jamais été si fluctuants, les pays n’ont jamais été aussi instables.

Mathieu Plane passe rapidement en revu l’état de la France : « On ressent la récession dans les résultats de la croissance : les deux derniers trimestres ont été négatifs et la prévision pour le troisième prend le même chemin. Comme le pays crée moins de richesses, cela détruit forcément des emplois et fait baisser le pouvoir d'achat. De plus, comme la récession est un phénomène mondial, cela joue sur le commerce extérieur. Les pays étrangers consomment moins de produits français et freinent donc l'activité. » Le système est sclérosé. La France n’a même pas d’économie de côté pour tenter une relance. Alors on ressort les bouts de ficelles et on bricole un abri pour passer l’hiver.

« Limiter la casse »


« Ces emplois subventionnés qui ne peuvent intervenir que dans le secteur non-marchand, c’est un moyen, pour l’État, de limiter la casse. » L’année 2009 sera noire, plus personne ne peut enrayer la machine. Le FMI prévoit seulement 3% de croissance en 2009 contre 3,9% en 2008 ou 5,1% en 2006. Les Etats-Unis devraient connaître une croissance de 0,5% en 2009 après 1,5% cette année quand la France plafonnera à 0,2% voire 0%.

Toujours à cheval sur plusieurs sujets, Nicolas Sarkozy veut gérer la crise française, décrocher un plan européen de relance de l’économie, continuer ses réformes structurelles et mettre en place un nouveau capitalisme. Il a sauvé les banques, il s’attache maintenant à l’économie française et plus particulièrement à l’industrie automobile qui a déjà annoncé des plans de licenciement drastiques. Mais finalement, cette crise nous allons la vivre ensemble. La crise s’installe dans tous les foyers et il ne reste plus qu’à travailler et attendre qu’elle daigne lever le camp.

A suivre:
- L'Esprit européen fortifié par la crise
- Vers un nouveau capitalisme ?

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