mercredi 2 décembre 2009

L'Union européenne s'accorde sur un "Barcelone Plus"

L’Union méditerranéene sohaitée par Nicolas Sarkozy dicise l’Union européenne. Après plusieurs mois de négociations tendues, les Etats membres adaptent le projet pour qu’il prenne la suite du processus de Barcelone.

« Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée pour leur dire que c'est en Méditerrannée que tout se joue, et que nous devons surmonter toutes les haines pour laisser la place à un grand rêve de paix et de civilisation. Je veux leur dire que le temps est venu de bâtir ensemble une Union méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique » déclare Nicolas Sarkozy, le 6 mai, lors de son discours de victoire à l'élection présidentielle. Dix mois plus tard, le président de la République française doit revoir sa copie pour s'adapter aux inquiétudes de l'Union européenne.

Dans son projet originel, Nicolas Sarkozy invite les pays du pourtour méditerranéen à construire une union particulière. Il imagine des liens privilégiés entre la France, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Chypre, Malte, la Turquie, le Liban, Israël, l'Egypte, la Libye, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. Lors de réunions régulières, ces pays se retrouveraient en conseil sous l'égide d'une présidence tournante. En octobre 2007, au cours de sa première visite officielle au Maroc, Nicolas Sarkozy développe son idée dans un discours à Tanger. Il déclare vouloir « jeter les bases d'une union politique, économique, culturelle, fondée sur le principe d'égalité stricte entre les nations d'une même mer ». Et n'inclue les pays de l'Union européenne non-méditerranéen qu'en qualité d' « observateurs ».

Début décembre, lors du sommet France-Allemagne, Angela Merkel fait part de ses préoccupations. La chancellière allemande voit d’un mauvais oeil la mise en place d’une nouvelle union, concurrente de l’Union européenne, pouvant mener à des divisions au sein de cette dernière. L’Allemagne reconnaît le grand écart entre le développement du Nord et du Sud mais refuse la superposition avec des mécanismes de coopération existant déjà au sein de l’Union européenne via le processus de Barcelone. Depuis 1995, ce traité lie, économiquement et culturellement, les 27 pays membres de l’Union européenne à 11 pays du Sud méditerranéen.

Les premières concessions

Outre l’Allemagne qui se sent exclue du projet, d’autres pays européens font part de leur scepticisme. « Nous n’avons pas besoin de duplication, ou d’institutions concurrençant les institutions de l’Union européenne » déclare le premier ministre slovène, Janez Jansa, dont le pays préside l’Union européenne jusqu’en juin. La Grande-Bretagne et les pays nordiques « ne sont pas très contents du projet » et la Grèce ou la Slovaquie se disent encore réservées. La Turquie, de son côté, demande à être rassurée avant d’accepter le projet. Le 20 décembre, la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal prononcent l’appel de Rome qui stipule, entre autres, que la mise en place de l’Union pour la Méditerranée n’interférera pas avec les négociations d’adhésion à l’Union européenne. Malgré cela, le doute subsiste pour beaucoup. Le projet d’Union pour la Méditerranée ressemble tout de même à un compromis visant à satisfaire la Turquie sans l’intégrer dans l’Union européenne.

Lors de cette réunion, Nicolas Sarkozy accepte les premières concessions sur son projet. Tout d’abord, la sémantique change. L’Union méditerranéenne (UM) devient l’Union pour la Méditerranée (UPM) et ouvre ainsi la porte à la participation de pays non riverains. Ensuite, l’appel de Rome met en avant un changement de mentalité dans le rapport avec les pays du Sud en passant de l’intégration à la coopération. Il est alors affirmé la nécessité de discuter avec les partenaires euro-méditerranéens sur un « pied d’égalité » et de « transformer des relations essentiellement verticales en relations horizontales et équilibrées».

Quelques mois plus tard, les tensions avec Berlin ne se sont toujours pas dissipées au point que le sommet trimestriel franco-allemand est reporté à juin pour cause officielle de problèmes d'emploi du temps. Les deux dirigeants se rencontrent tout de même brièvement, le 3 mars, après l'ouverture de l'exposition internationale des hautes technologies de Hanovre. Ils règlent alors leurs divergences et trouvent un compromis. Nicolas Sarkozy accepte de faire « converger » le projet initial et le processus de Barcelone. Il déclare : « l’Union pour la Méditerranée se fera » et « ce sera un projet européen ». Les 27 pays membres de l’Union européenne traiteront donc avec 12 pays du Sud de la Méditerranée.

« Barcelone Plus »

Avec ce consensus franco-allemand, l'Union pour la Méditerrannée se substitue tout bonnement au processus de Barcelone. On parle déjà d’un « Barcelone Plus », d’une « revitalisation » d’un système en échec et non plus d’une initiative novatrice. Douze ans après le lancement du processus de Barcelone, le bilan est mitigé : la sécurité n’a pas évolué, le commerce entre les états du Sud reste faible et les conditions d’attribution d’aides monétaires sont souvent assimilées à des tentatives d’ingérence de l’Union européenne. Le manque de moyen et de structures est souvent avancé pour expliquer l’échec de ce processus qui se résume maintenant à 70% d’aides budgétaires et peu de projets notables.

Pour relancer la machine de Barcelone, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s’accordent sur des structures démocratiques légères. L’Union pour la Méditerranée sera coprésidée pour deux ans par un président de la rive Nord et un président de la rive Sud. Dans un permier temps, le président de la rive Nord sera issu d’un pays riverain. L’Union sera dotée d’un secrétariat chargé de coordonner les projets et codirigé par un directeur du Nord et un du Sud. La vingtaine de membres constituant le secrétariat sera choisi parmi tous les pays de la nouvelle union en respectant une égalité du nombre entre le Nord et le Sud. Un représentant de la Commission européenne sera obligatoirement l’un des membres sélectionné par le Nord. L’institution européenne fera partie de la structure mais ne la pilotera plus comme c’était le cas dans le processus de Barcelone. Les chefs d’Etats et de gouvernement se réuniront tous les deux ans en sommet afin de faire de la point sur l’avancement des projets et prendre ensemble les décisions qui conviennent pour faire fonctionner les relations euro-méditerranéennes.

Côté financement, la nouvelle union voit large. Les projets bénéficieront des banques régionales de développement (Banque africaine de développement ou Banque européenne d’investissement, BEI), des institutions internationales (Banque mondiale), des fonds arabes des pays du Golf, des agences de coopération des différents pays (Agence française de développement, AFD). La BEI s’est d’ailleurs déjà prête à investir 8 milliards d’euros dans les projets de l’Union pour la Méditerranée. Le secteur privé sera aussi solicité ainsi que les fonds européens mais ceux-ci ne pourront être engagés dans le projet que sur l’accord unanime des 27 états membres.

« Nous la soutenons pleinement »

Le couple franco-allemand est à nouveau au diapason même si Berlin sort plus fort des négociations en ayant obtenu gain de cause. Les 13 et 14 mars, pendant le sommet européen à Bruxelles, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel annoncent ensemble les grandes lignes du projets. La Commission européenne, rassurée par les arrangements négociés par la chancellière allemande, donne son accord au projet. « En ce qui concerne l'Union méditerranéenne, nous la soutenons pleinement », a déclaré son président, José Manuel Barroso. « Il semble que toutes les conditions sont maintenant réunies pour aller de l'avant », a-t-il ajouté en soulignant qu'il restait « des aspects institutionnels » à débattre. Les chefs d’Etats et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne se sont, au fur et à mesure, ralliés à ce « nouvel élan » qui corrige une faiblesse européenne plutôt que d’investir dans un tout nouveau projet.

Les conflits israélo-palestinien, syro-libanais, le différend du Sarah occidental entre le Maroc et l'Algérie, les hostilités entre la Turquie et Chypre ou entre la Serbie et le Kosovo minent depuis longtemps le terrain de négociation. Ces difficultés inhérentes au projet, l’Union pour la Méditerranée espère les estomper en se concentrant sur des projets concrets comme la dépollution de la mer Méditerranée. D’ici 2020, l’Union pour la Méditerranée va s’appliquer à réhabiliter les 130 sites sales répertoriés sur le pourtour méditerranéen. D’autres projets sont déjà à l’étude : améliorer l’accès à l’eau dans l’ensemble de la zone, créer une agence méditerranéenne de développement des PME, mettre en place une structure de protection civile (avec mutualisation des moyens d’informations), développer les échanges commerciaux par la création d’autoroutes maritimes, mettre en réseau les pôles scientifiques et étendre l’utilisation de l’énergie solaire. La réflexion va pouvoir commencer afin de présenter des projets constructifs, le 13 juillet, lors du premier sommet.

« Un grand enthousiasme »

Nicolas Sarkozy n’a pas eu de peine à convaincre ses partenaires européens, « le projet a obtenu un vaste soutien » des chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne, a indiqué le Premier ministre slovène Janez Jansa. Lors d’un point presse, le président de la République française s’est félicité du feu vert de l’Union européenne : « La décision a été prise ce soir à l'unanimité, avec un grand enthousiasme. »

Après tant de scepticisme et de discussions, l’Union pour la Méditerranée semble approuvée par une majorité de pays européens mais pourtant rien ne peut affirmer que cette coopération verra le jour.

Les obstacles sont encore nombreux et les transformations imposées par l’Union européenne ont affaibli le projet qui est déjà affublé, internationalement, du nom de « Club Med ». Maitenant que les 27 pays membres de l’Union européenne ont réglé leur différend, une longue période de discussion commence. Entre les partenaires européennes mais aussi avec les pays du Sud de la Méditerranée à qui l’on a promis une diplomatie sur un « pied d’égalité » mais qui n’ont, pour l’instant, pas vraiment été consultés.

En savoir plus :
Les pays du Sud de la Méditerranée partenaires du projets, quelques chiffres et un indiscret

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