jeudi 3 décembre 2009

Tableau de la gare Saint-Lazare

La Gare Saint-Lazare charbonneuse peinte par Monet fait partie du passé. C'est toute colorée et joviale qu'on la découvre en cet après-midi printanier. Adossés aux quais, les trains sont bleu ou gris, les uns partent voir la mer, les autres restent enfermés en Ile-de-France. Visiblement, certains sont plus joyeux que les autres. Avant d'atteindre cette zone déterminante où l'on voit déjà apparaître des morceaux de nature à l'horizon des rails, on déambule un temps dans le hall de gare rénové.

Grand et lumineux comme on imagine les marchés couverts de province avec des bananes et des rougets qui pendent des stands, le hall de la gare Saint-Lazare est convivial. Il a même des airs de cour de récréation avec ses imposantes bornes automatiques jaune et noir, clouées au sol comme une armée de Picachu prêts à rougir et à tirer la langue d'un billet Paris-Caen pour les plus aventureux. D'ailleurs, on y fait la queue, carte bleu et numéro de commande à la main. « Et dire que c'est censé accélérer le service »... commente âprement une business woman, tailleur noir serré sur les hanches, à l'attaché-case gominé à ses côtés. C'est sûr, elle, elle risque de fulminer pendant tout le trajet.

Derrière le couple de CSP+ façon Wall Street en voyage d'affaire vers la charmante bourgade de Chanteloup les Vignes, viennent se coller trois filles et un garçon d'une vingtaine d'années et donc, ô combien bruyant. Ca papote, ça se complimente, ça téléphone pour se donner rendez-vous dans « Saint-Laz' » et ça part visiblement déjà en week-end. De quoi renforcer la mauvaise humeur du duo de croque-mort qui se retournent ostensiblement vers les yeux trop maquillés d'une des groupies.

Deux des filles, blondes et poudrées à souhait, se sont donné le mot pour assortir chacune un jeans slim blanc avec des sandales de gladiator argentées. L'homme du groupe affiche fièrement le short un peu élimé de l'été dernier, jusqu'au genou à la Nadal, et des lunettes de soleil fumées qu'il ne retirera sous aucun pretexte. Imitation Philippe Manœuvre oblige. Un compagnon de route les rejoint : explosion de cheveux bruns et t-shirt rouge logoté du fameux graffiti représentant Obama. Bleu, blanc, rouge... le graf' de Shepard Fairey fait toujours son petit effet. Il est « sorry » et il a grandement faim. La devanture rouge orangée de la Croissanterie attire son attention. L'odeur aussi dorée que synthétique des croissants le persuade.

Il sillonne entre les voyageurs, passe à côté de deux uniformes bleus lavande siglés SNCF, une casquette ton sur ton finissant le costume. Il s'écarte face à trois soldats kaki, une colonne armée avançant de front composée de deux gaillards encadrant une jolie brunette aux cheveux tirés, au visage fin et à la mitraillette presque trop grande pour elle. Le sourire aux lèvres, il laisse ensuite passer un convoi d'asiatiques aux associations vestimentaires improbables. Le fluo est à la mode, les femmes explorent les couleurs, l'été va être bigarré. « Le train à destination de Lisieux va entrer en gare quai... » La voix féminine de la SNCF annonce un train, les panneaux horaires papillonnent à la recherche du bon mot et les visages changent sur les bancs de la gare. Les valises roulent, les trains hurlent et la gare encore tout éclairée n'a pas fini sa journée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire